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Bloc 1 | Impacts en milieu côtier Risques côtiers et facteurs de risque

3.1 La notion de risque

Le risque est un terme complexe. Il renvoie à la notion de danger et d’évènement indésirable, de force majeure. Il renvoie cependant aussi à la prise de décision, comme dans les expressions « prendre un risque », « courir un risque », « risquer le tout », « s’exposer à un risque », « à ses risques et périls ».

Cette prise de décision peut être plus ou moins calculée. Généralement, un risque sous-entend la présence d’un objectif qu’on ne peut atteindre qu’en prenant un risque (« qui ne risque rien n’a rien »). Le calcul peut être explicite comme dans la célèbre citation du comique anglais Benny Hill « Le risque qu'il y ait une bombe dans un avion est d’un sur un million. Le risque qu'il y ait deux bombes dans un avion est d’un sur cent milliards. La prochaine fois que vous prendrez l'avion, diminuez les risques, emmenez votre bombe ! ».

L’évaluation du risque peut cependant se faire de manière plus intuitive, et la perception du risque varie fortement au sein des individus ainsi que des groupes en raison de dispositions individuelles, mais aussi de cadres de référence partagés, comme des opinions politiques ou religieuses.

Dans le cadre des risques naturels, tels que ceux posés ou amplifiés par les effets des changements climatiques, la notion de risque est associée à celle d’aléa ou enjeu. En effet, un évènement naturel – l’aléa – en lui-même ne pose pas de risque, s’il n’affecte personne, aucun bien ou aucun écosystème. Ce n’est que la présence d’enjeux dans l’endroit affecté par l’aléa qui crée le risque. En ce sens, il n’est pas tout à fait logique de parler d’un « risque climatique ». Il serait plus juste de parler d’aléas hydrométéorologiques, ou d’évènements extrêmes, amplifiés par les changements climatiques, qui peuvent, en présence d’enjeux, créer un risque.

Souvent, les zones de risque sont bien connues, qu’il s’agisse de zones d’inondation, de submersion, de glissements de terrain, d’avalanches, de tremblements de terre, d’éruption volcanique, etc. Les humains ont toujours dû peser le risque d’habiter dans une zone exposée à des aléas naturels aux avantages posés par la zone en question. Les agriculteurs peuvent avoir avantage à s’installer près de volcans puisque les terres y sont particulièrement fertiles. Il en est de même pour les grands fleuves, dont les inondations fertilisent les terres, mais qui créent aussi des risques pour les riverains. Pour des pêcheurs, il est nécessaire d’habiter près de la mer, mais le risque de submersion est toujours présent.

La zone côtière est un endroit de risque par excellence. Cependant, il s’agit aussi d’un environnement très prisé. Offrant de nombreuses ressources naturelles et ouvrant des voies de transport, elles ont depuis toujours été habitées par les humains. Plus récemment, la côte est devenue une destination prisée pour la résidence ou les vacances, un développement rendu possible par l’avènement des transports motorisés et l’introduction des congés payés. Dès lors, la villégiature et le tourisme côtier s’accommodent du risque lié à l’environnement côtier.

Souvent, l’exposition au risque résulte d’une méconnaissance de ce risque. Ceci peut résulter d’une absence d’information, mais aussi d’une réticence à en admettre l’existence. La prise de risque peut cependant aussi être involontaire, voire imposée. De nombreuses métropoles se situent en bord de mer. La pression urbaine peut réduire une partie de la population, surtout les segments les plus défavorisés, à s’installer dans des zones inondables, comme on observe à Dakar ou Port-au-Prince.

Au cours du dernier siècle, les dynamiques de retrait du trait de côte et d’anthropisation progressive du littoral se sont télescopées pour créer ce que certains chercheurs appellent les espaces du risque (Meur-Férec et Morel, 2004 ; Meur-Férec et al., 2008) (figure 1). Cette dynamique se reproduit sur de nombreux littoraux à travers le monde (Weissenberger et al., 2016).

Figure 1. La création de l’espace de risque selon C.  Meur-Ferec
Le diagramme illustre le double phénomène constitué du recul progressif du trait de côté vers l'intérieur des terres et du rapprochement des populations du rivage, notamment à partir du boom balnéaire des années 1970. Ce double phénomène créé ainsi un espace de risque dans lequel des installations humaines s'exposent à l'érosion côtière.

Source : adaptée de Meur-Ferec et Morel, 2004.

Le risque lié à l’augmentation du niveau de la mer pour les zones côtières réside dans une multiplication des épisodes d’inondation plutôt que dans une submersion graduelle de la côte. Le phénomène d’érosion côtière est lui aussi fortement corrélé aux tempêtes et aux surcotes plutôt qu’au niveau moyen de l’océan. Or, une augmentation légère du niveau de la mer peut mener à une augmentation importante des risques d’inondation, puisqu’il y a un effet de seuil (figure 2). Si une augmentation de l’amplitude des ondes de tempêtes s’ajoute à l’augmentation du niveau de la mer, le risque en est d’autant plus important.

Figure 2. Effet de seuil en présence d’une augmentation du niveau de la mer.

Note : Une légère augmentation du niveau moyen de la mer (ligne bleue pointillée) peut mener à une multiplication des épisodes d’inondation (flèches rouges).

Source : schéma de Weissenberger, 2013.

La notion de risque est reliée à celle de probabilité. Pour les tempêtes et les inondations, cette probabilité est souvent exprimée en temps de retour. Ainsi, une tempête de 1000 est une tempête d’une ampleur qui risque statistiquement de se produire une fois tous les 1000 ans. Cela veut dire que sa probabilité pour chaque année est de 1/1000.

De manière intuitive, le temps de retour est souvent confondu avec une fréquence (London Assembly, 2002), donnant un faux sentiment de sécurité si l’on suppose qu’une fois un évènement majeur s’est produit, il n’y en aura pas d’autres pour 1000 ans (temps de retour de l’événement hypothétique). Ceci n’est bien sûr pas vrai, puisqu’il n’est pas impossible d’avoir deux tels évènement de suite. C’est juste improbable, comme de lancer six 6 consécutifs avec un dé.

Pour un gestionnaire côtier – ou tout autre gestionnaire - se pose la question contre quelle probabilité de risque il faut protéger un territoire. Or, le risque jugé socialement acceptable se définit en fonction de la probabilité d’un évènement et de sa sévérité. Des mesures de protection coûteuses ne seront donc pas mises en place pour éviter une inondation fréquente mais aux impacts limités, ni pour éviter une inondation catastrophique, mais dont la probabilité est très faible (dans ce cas, on préférera par exemple l’évacuation plutôt que de se protéger).

Comme pour tout calcul de risque, le seuil d’acceptabilité du risque côtier varie en fonction du temps, du lieu, de l’historique d’évènements semblables, et aussi du type d’évènement. À titre d’exemple, les Pays-Bas ont établi le temps de retour d’inondation acceptable à 20 000 ans pour les zones centrales, alors que ce seuil n’était que de 200-300 ans à la Nouvelles-Orléans, avant l’ouragan Katrina, pour un risque comparable en termes de perte de vies humaines (Figure 3).

Figure 3. Diagramme de probabilité et d’amplitude pour divers évènements.
Le diagramme montre le niveau de risque acceptable de différents types d’évènements en fonction de leur probabilité et de leur amplitude en termes de décès potentiels.

Note : Le risque acceptable (en dessous de la ligne jaune) dans l’opération de barrages aux États-Unis en fonction de la probabilité de rupture et du nombre potentiel de décès ; surimposé les risques d’inondations à la Nouvelle-Orléans (1500 morts en 2005, 1800 dans toute la région) et aux Pays-Bas (2000 morts en 1953).

Source : adapté d’après ASCE, 2007.

La figure 3 illustre également que les risques naturels sont beaucoup plus facilement acceptés que les risques technologiques : aux États-Unis, le temps de retour acceptable pour une rupture de barrage aux conséquences comparables à celles de Katrina est situé entre 100 000 et 1 000 000 d’années ! La préférence collective par rapport au risque acceptable est tributaire de la perception de ce risque et du niveau d’information de la société.

En absence d’informations suffisantes, la collectivité pourra sur- ou sous-estimer l’ampleur du risque et la probabilité qu’il se concrétise. Bien sûr, l’historique et la présence médiatiques jouent un rôle important. C’est en 1953, après la tempête exceptionnelle en mer du Nord, que le projet Delta aux Pays-Bas et le barrage de la Tamise en Angleterre ont été décidés, et c’est à la suite de l’ouragan Katrina que la réfection des barrages de la Nouvelle-Orléans a été entamée (même si le risque était parfaitement connu avant), et dans le sillage de l’ouragan Sandy que des milliards de dollars seront investis pour la protection de la ville de New York.

Néanmoins, les Pays-Bas ont un historique de construction de barrages remontant à un millénaire, la « culture du risque » y est donc bien présente et ancrée dans la société, favorisant un dialogue collectif et une meilleure prise en compte de ce risque dans les décisions d’aménagement et de protection du territoire.

3.2 Érosion côtière et géomorphologie côtière

L’érosion côtière est considérée comme un des risques majeurs associés aux changements climatiques dans les zones côtières. L’érosion est un processus naturel qui façonne depuis toujours le relief des côtes et crée des formes parfois étonnantes comme les formations de Hopewell Rocks dans la Baie de Fundy (figure 4). Les plages, à l’état naturel, sont en état d’équilibre dynamique. L’érosion des falaises ou dunes à l’arrière de la plage remplace le sable emporté par les vagues. De cette sorte, la structure de la plage reste constante, mais se déplace vers l’intérieur des terres. Ce qui est nouveau avec les changements climatiques et l’augmentation du niveau de la mer est une accélération du phénomène qui met en péril les infrastructures humaines et ne permet dans certains cas plus aux écosystèmes naturels de maintenir leur équilibre dynamique.

Figure 4. Hopewell Rocks, Baie de Fundy, NB, Canada
La photo montre les éperons rocheux de Hopewell Rocks, formés par l’érosion marine.

Source : photographie de Weissenberger, 2011.

La formule de Bruun de 1962 est souvent utilisée pour estimer le recul de la côte. En état d’équilibre, elle prédit un recul de 1 à 1,5 mètres par cm d’augmentation du niveau de la mer (Heberger et al., 2009). Cette méthode est cependant très approximative puisqu’elle considère une plage idéalisée. Dans la réalité, le recul variera d’un endroit à l’autre selon les courants dominants et l’exposition aux ondes de tempête. Dans les deltas, les activités dans les bassins versants comme la construction de barrages, la rectification de cours d’eau ou la dégradation des sols ont aussi une influence sur les taux d’érosions nets puisqu’elles modifient le transport fluvial de sédiments.

La vitesse d’érosion dépend également de la nature du substrat. Les substrats meubles sont plus facilement érodés que des falaises en roches ou certains écosystèmes. Ainsi, au Nouveau-Brunswick, les taux moyens de recul observés sont de 0,26 m/an pour les falaises, 0,33 m/an pour les marais, mais 0,76 m/an pour les plages et 0,80 m/an pour les dunes.

Parmi les falaises, les falaises rocheuses dures (granit, gneiss, basalte, etc.) ne s’érodent que sur des périodes de temps géologique, au rythme de quelques millimètres par an ou moins. Les falaises rocheuses tendres (calcaire, schiste, etc.) reculent de typiquement de l’ordre du centimètre par an ; les falaises en roches friables (craie, etc.) ou meubles (tillages, sables, etc.) s’érodent beaucoup plus rapidement. Malheureusement, les substrats les plus stables sont aussi généralement les plus difficiles à construire, de sorte que les habitations sont souvent établies sur les substrats plus prônes à l’érosion.

Les figures 5 à 11 illustrent quelques types de substrats côtiers communs.

Figure 5. Côte de granite rose en Bretagne.
Photographie d’une côte de granite rose.

Source : Wikimedia commons.

Granit (angl. : granite) : Le granite est une roche dure et imperméable d’origine plutonique magmatique, c’est-à-dire formée par le refroidissement lent du magma. En se refroidissant, le magma forme une structure cristalline. Les principaux minéraux du granite sont le quartz, le feldspath et le mica, mais il existe des centaines de variations de granit de couleurs différentes. Les roches granitiques forment l’essentiel de la croute continentale. Le granit est une roche très dure qui s’érode extrêmement lentement.

Figure 6. Falaise de gneiss.
Photographie d’une formation de gneiss de couleur grise.

Source : Wikimedia commons.

Gneiss (angl. : gneiss) : Le gneiss est une roche métamorphique issue du granite (orthogneiss) ou de l'argile (paragneiss). L’aplatissement et l’étirement lors de la métamorphose mène à la formation des feuillets ou lits caractéristiques, souvent de couleurs alternantes. On le retrouve souvent à la base de massifs montagneux fortement érodés. Le gneiss est encore plus dur que le granit.

Figure 7. « Orgues » ou colonnes basaltiques du Pain de Sucre sur l'île de Terre-de-Haut, Département de Guadeloupe, Antilles françaises.
Photographie d’une formation en basalte sur une île tropicale volcanique..

Source : Wikimédia commons.

Basalte (angl. : basalt) : D’origine volcanique, le basalte est une roche grise ou noire très dure (ce qui est d’ailleurs l’origine de son nom en Grec latinisé) qu’on retrouve surtout sur des Îles d’origine volcaniques. Les basaltes sont formés par le refroidissement rapide de la lave expulsée à la surface lors d’éruptions volcaniques ou le long de dorsales océaniques. Les fameuses colonnes de basaltes se forment lors d’éruptions sous-marines. Des falaises en basalte ne s’érodent que très lentement.

Figure 8. Alternance de grès rouge et de schiste noir du carbonifère ancien (Mississippien) à Cape St. Lawrence, Cap Breton, Nouvelle-Écosse, Canada.
Photographie d’une falaise en bandes rouges et noires

Source : photographie de Weissenberger, 2013.

Grès (angl. : sandstone) : roche détritique formée de l’agrégation de sable et parfois de quartz (tous les deux de composition chimique SiO2). La déposition de sable se fait dans des fleuves, lacs ou déserts. Sous la pression des sédiments, le sable est cimenté par de la silice ou des carbonates pour former une roche jaune, rouge ou brune. Le grès est un des matériaux les plus utilisés comme matériel de construction, et ce, depuis la préhistoire, à l’exemple du cercle de Stonehenge, en raison de sa durabilité. Le grès est une roche dure qui ne s’érode que lentement.

Figure 9. Falaises de schiste argileux à Meat Cove Beach, Cap Breton, Nouvelle-Écosse, Canada.
Photographie d’une falaise de schiste presque vertical en arrière d’une plage.

Source : photographie de Weissenberger, 2013.

Schiste (angl. : shale) : roche clastique sédimentaire formée d’abord par compaction dans des eaux peu profondes (diagénèse) et métamorphosées ensuite en schiste. Le schiste peut être formé de silt, quartz, calcite ou d’argiles et être de couleur rouge ou noire. En anglais, on distingue selon le degré de métamorphisme slate, schist et gneiss (voir plus haut pour le dernier).

Figure 10. Les falaises blanches de Douvres.
Photographie d’une haute falaise de calcaire blanc.

Source : PxHere.

Calcaire ou craie (angl. : limestone) : roche sédimentaire formée à 70 % de calcite, le reste principalement d’aragonite (tous deux des formes de carbonates de calcium CaCO3). Il s’agit d’une roche généralement blanche qu’on retrouve par exemple dans les Alpes, ainsi que les célèbres falaises d’Étretat ou de Douvres. La dureté du calcaire et de la craie varie considérablement. Des falaises en calcaire ou en craie sont généralement soumises à l’érosion, mais avec des taux relativement faibles. Les falaises verticales parfois spectaculaires, mais aussi dangereuses, de calcaire sont formées par l’érosion, au contraire des falaises de granit ou basalte, formées par des mouvements tectoniques.

Figure 11. Falaise de tillite à Clarington, Ontario, Canada.
Photographie d’une falaise de tilite meuble en talus sur le bord de lac.

Source : Wikimédia commons.

Tillite (angl. : till) : dépôts glaciaires formés de différents matériaux transportés et déposés par les glaciers lors de la dernière glaciation. Le till d’ablation est formé de roches transportées dans le glacier. Le till de fond est une roche dense et compacte générée par la pression du poids des glaces. La tillite est de constitution très hétérogène, autant en ce qui concerne le type de matériel que la taille des grains. Elle est souvent très friable et soumise à l’érosion, et encore plus à la gélifracture.

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Les taux d’érosion peuvent être mesurés de plusieurs façons. La mesure in situ demeure une méthode très efficace, qui est simple à réaliser, ne requiert pas d’équipements onéreux, mais de nombreuses heures de travail pour obtenir une couverture spatiale appréciable de la côte.

Pour en apprendre davantage sur la mesure de l’érosion d’une plage ou d’une falaise, visionnez l’entrevue réalisée avec Gilbert Bélanger, membre du CIRADD et professeur de biologie au campus de Carleton du CEGEP de Gaspésie et des Iles.

Vidéo (21 min 57 sec) :

La disponibilité et la facilité d’usage des GPS permet d’effectuer certaines analyses de manière automatique, avec une plus grande précision que les relevés manuels (figure 12). L’analyse de cartes historiques et de photos aériennes à l’aide de la photogrammétrie numérique est une technique qui nécessite un plus grand savoir-faire, mais permet de couvrir un plus long trait de côte et une plus grande étendue temporelle, supposant bien sûr la disponibilité de matériel historique. Les photos satellites disponibles pour les dernières décennies permettent d’estimer le taux d’érosion avec une précision appréciable.

Figure 12. Mesures de hautes précisions de l’érosion à l’aide de GPS.
Exemples sur lesquels on voit une personne prendre des mesures sur la côte à l’aide d’un instrument sur une perche.
Exemples sur lesquels on voit une personne prendre des mesures sur la côte à l’aide d’un instrument sur une perche.

Source : D. Bérubé, Ministère des ressources naturelles du NB.

Souvent, l’érosion ne s’effectue pas graduellement, mais par à-coups lors de tempêtes lorsque la force des vagues emporte des quantités importantes de sable ou ronge les substrats plus durs (figure 13). Ainsi, les tempêtes importantes observées dans plusieurs régions au cours de la dernière décennie sont aussi synonymes de taux d’érosion élevés.

Figure 13. Illustration de l’effet d’une tempête sur la dune de Bouctouche au Nouveau-Brunswick.
Deux photographies pour comparer la dune de Bouctouche avant et après la tempête. La dune a été emportée par la tempête.

Note : La dune de Bouctouche en été 2000 (C) et submergée lors de la tempête d’octobre 2000 (D). De nouveau en décembre 2010, plus de la moitié de la passerelle et huit mètres de plage ont été perdus lors d’une tempête exceptionnelle.

Source : Jolicoeur et al., 2010.

3.3 Bâtiments et infrastructures face à l’érosion

L’érosion côtière met en péril des bâtiments et des infrastructures, notamment routières. Dans de nombreux endroits, des maisons perdent leurs assises et sont précipitées dans la mer, forçant les habitants à les abandonner ou les déplacer à grands frais (figures 14, 15 et 16).

Figure 14. À Kivalina ou Shishmaref, en Alaska, l’érosion prononcée des dernières décennies met en péril des villages entiers.
Un bâtiment est en équilibre précaire sur le bord de la falaise, prêt à sombrer dans un océan tumultueux.

Source : The Center on Race, Poverty & the Environment.

Figure 15. Une maison en équilibre précaire à Cap-de-Cocagne, Nouveau-Brunswick, lors de la tempête de 2010.
Une maison blanche  sur le bord de tomber dans l'océan.

Source : Gilles Allain, dans CBC, 2010.

Figure 16. Immeuble menacé à Soulac, Gironde, France
Un immeuble résidentiel de plusieurs étages à quelques mètres d’une plage, en forte érosion

Note : le journal régional Sud-Ouest offre un survol de la côte girondine (5 minutes) qui met notamment en évidence la situation de cet immeuble.

Source : Sud-Ouest, 15 janvier 2014.

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Les routes et chemins de fer sont souvent construits près des côtes. Ces infrastructures de transport sont donc souvent menacées par l’érosion de la côte obligeant soit à consolider les talus, à construire des ponts ou autres structures lourdes ou carrément à déplacer les routes, ce qui occasionne des coûts considérables (figures 16 à 19).

Figure 16. La route 113 sur l’Île de Miscou, endommagée par l’action des vagues.
Sur l'image, la route située au bord de la mer est grugée par les eaux.

Source : photographie de Weissenberger, 2012.

Figure 17. Dommages causés par la tempête de 2010 dans le comté de Kent, Nouveau-Brunswick, Canada.
Deux photographies montrant des dommages proches de routes, suite à la tempête de 2010.

Source : Nicolas Bastien, 2010, dans Chouinard, 2008.

Figure 18. Consolidation du talus pour sécuriser la route 132 à Carleton, Québec, Canada.
Sur la photographie, on observe le talus consolidé le long de la route avec une pancarte du gouvernement indiquant que les travaux ont coûté 1,2 millions de dollars.

Source : photographie de Weissenberger, 2012.

Figure 19. Érosion menaçant la Highway 1 en Californie nécessitant une structure de protection.
Photographie montrant une structure de protection d’une route située sur une falaise abrupte.

Source : Copyright (C) 2002-2014 Kenneth & Gabrielle Adelman, California Coastal Records Project, http://www.Californiacoastline.org.

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Les ports, qui transportent 80 % des biens commerciaux échangés et sont essentiels aux pays insulaires ou aux régions éloignées comme l’Arctique, ainsi qu’à des secteurs économiques comme le tourisme ou les pêches, sont évidemment des infrastructures hautement à risque de l’augmentation du niveau de la mer et nécessiteront des investissements considérables pour s’adapter (Asariotos, 2021).

Les dommages occasionnés par l’ouragan Sandy en 2012 aux infrastructures de transport de New York et du New Jersey ont été évalués à plus de deux milliards de dollars US (Strunsky, 2013). Autre exemple, en septembre 2018, l’ouragan Florence a mené à une fermeture du port de Wilmington en Caroline du Nord aux camions pour une dizaine de jours (Mulvany et Tobben, 2018).

Les impacts d’inondations et d’évènements extrêmes se mesurent aussi en temps perdu et en perturbation des chaines d’approvisionnement. Par exemple, sur la côte Est des États-Unis, les inondations causent actuellement 100 millions d’heures-véhicules de retards chaque année, montant qui pourrait augmenter à plus de trois milliards d’ici 2100 (Jacobs et al., 2018). Dans un monde de plus en plus connecté dépendant des échanges de biens sur de longues distances, ce genre de perturbations peuvent avoir des impacts économiques, sociaux et humains importants.

La valeur des infrastructures côtières exposées aux impacts des changements climatiques pourrait augmenter, en absence de mesures d’adaptation ou de protection adéquates, à 20 % du PIB mondial, soit un montant de 14 billions de dollars US en 2100 sous un scénario d’émissions élevées (Jevrejeva et al., 2018 ; Kirezci et al., 2020). Notons ici qu’en français le terme billion correspond à l’anglais trillion, et non à l’anglais billion qui désigne un milliard.

Parmi ces infrastructures figurent aussi certaines infrastructures côtières auxquelles on pense moins souvent, mais qui sont essentielles à notre vie de tous les jours. Beaucoup d’infrastructures sanitaires et d’eau potable se situent en zone côtière et ne pourraient plus fonctionner lors d’inondation, posant également un risque de contamination. Aux États-Unis, 60 usines de traitement de l’eau se situent à moins de 30 centimètres du niveau de la mer (Hummel et al., 2018). L’Internet pourrait également souffrir d’une augmentation du niveau de la mer. Aux États-Unis, plus de 6000 kilomètres de fibre optique pourraient être sous le niveau de l’eau d’ici 15 ans, et ces câbles ne sont pas imperméabilisés (Durairajan et al., 2018).

On comprend donc que de nombreuses infrastructures sont vulnérables à une augmentation du niveau de la mer et qu’il faudra réfléchir à comment les sécuriser ou déplacer. De nombreux secteurs d’activité et le quotidien des populations, pas seulement dans les zones côtières elles-mêmes, en dépendent.

Références

American Society of Civil Engineers (ASCE), 2007. The New Orleans hurricane protection system: What Went Wrong and Why.

Asariotis, R., 2021. Climate change impacts on seaports: A growing threat to sustainable trade and development. UNCTAD Transport and Trade Facilitation Newsletter 90, Article 75.

Durairajan, R., C. Barford, P. Barford, 2018. Lights Out: Climate Change Risk to Internet Infrastructure. Association for Computing Machinery, ANRW’18, Montreal, QC, Canada, 16 juillet.

Heberger, M., H. Cooley, P. Herrera, P. H. Gleick, E. Moore, 2009. The Impacts of Sea-Level Rise on the California Coast. California Climate Change Center.

Hummel, M. A., M. S. Berry, M. T. Stacey, 2018. Sea Level Rise Impacts on Wastewater Treatment Systems Along the U.S. Coasts. Earth's Future 6, 622-633.

Jacobs, J. M., L. R. Cattaneo, W. Sweet, T. Mansfield, 2018. Recent and Future Outlooks for Nuisance Flooding Impacts on Roadways on the US East Coast. Transportation Research Record 2672, 1-10.

Jevrejeva, S., L. P. Jackson, A. Grinsted, D. Lincke, B. Marzeion. 2018. Flood Damage Costs under the Sea Level Rise with Warming of 1.5C and 2C. Env. Res. Lett. 13, http://iopscience.iop.org/article/10.1088/1748-9326/aacc76 

Jolicoeur, S., M. Giangioppi, D. Bérubé. 2010. Réponses de la flèche littorale de Bouctouche (Nouveau-Brunswick, Canada) à la hausse du niveau marin relatif et aux tempêtes entre 1944 et 2000. Géomorphologie 1/2010, 91-108.

Kirezci, E., I. R. Young, R. Ranasinghe, S. Muis, R. J. Nicholls, D. Lincke, J. Hinkel, 2020. Projections of global-scale extreme sea levels and resulting episodic coastal flooding over the 21st Century. Scientific Reports 10, Article 11629.

London Assembly 2002. Flooding in London. A London Assembly Scrutiny Report.

Meur-Ferec, C., P. Deboudt, V. Morel, 2008, Coastal Risks in France: An Integrated Method for Evaluating Vulnerability. Journal of Coastal Resarch 24, 178–189.

Meur-Férec, C., V. Morel, 2004. L’érosion sur la frange côtière : un exemple de gestion des risques. Natures Sciences Sociétés 12, 263-273.

Mulvany, L., S. Tobben, 2018. Wilmington Port Is Shut Down Due to Floods, Delaying Shipments. Bloomberg.com, 18 septembre.

Strunsky, S., 2013. Port Authority puts Sandy damage at $2.2 billion, authorizes $50 million to power wash PATH tunnels. NJ Advance Media, Oct. 16.

Weissenberger, S., M. Noblet, S. Plante, O. Chouinard, J. Guillemot, M. Aubé, C. Meur-Ferec, É. Michel-Guillou, N. Gaye, A. Kane, C. Kane, A. Niang, A. Seck, 2016. Changements climatiques, changements du littoral et évolution de la vulnérabilité côtière au fil du temps : comparaison de territoires français, canadien et sénégalais. VertigO 16, doi : https://doi.org/10.4000/vertigo.18050.

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