Passer au contenu principal
  • MaTÉLUQ
  • /ENV6014
  • /Bloc 2
  • /Stratégies d’adaptation
  • /Techniques et outils d’adaptation

Bloc 2 | Stratégies d’adaptation Stratégies, techniques et outils d’adaptation

Auteurs : Sebastian Weissenberger, Omer Chouinard.

Il existe de nombreuses techniques d’adaptation aux changements climatiques, principalement pour contrer l’augmentation du niveau de la mer et l’érosion côtière, dont nous allons présenter certaines. Il est important de choisir une stratégie d’adaptation avant d’implémenter une technique spécifique, ce qui n’est pas toujours le cas en pratique. L’élaboration d’une stratégie demande cependant plus de recul, plus de travail de planification, nécessite généralement plus d’informations et un plus grand niveau de consultation.

2.1 Stratégies d’adaptation

On distingue généralement trois (et parfois quatre) principales stratégies d’adaptation : la protection, l’accommodement, le retrait et la précaution, cette dernière n’étant pas toujours perçue comme une stratégie à part entière (Arlington Group et al., 2013).

Protection

La protection vise à protéger les habitations et les infrastructures des inondations à travers des ouvrages de protection (murs, murets, enrochements, digues, protections naturelles, etc.). C’est généralement le premier réflexe des résidents côtiers. À terme, la protection s’avère souvent couteuse, limitée dans son efficacité et a des impacts environnements et esthétiques parfois importants.

Accommodement

L’accommodement est l’adaptation flexible, ce terme regroupe donc toutes les mesures de changements des manières de construction, de la gestion du territoire et des activités humaines permettant de s’adapter et réduire sa vulnérabilité, tout en restant à la même place. L’accommodement est spécifique au site et à l’activité concernée. Il n’existe donc que peu de solutions génériques, à part dans certains domaines comme l’architecture ou l’agriculture résiliente, où des solutions peuvent être aisément transposées d’un endroit à l’autre. L’accommodement fait fortement appel aux connaissances locales.

Retrait

Le retrait s’effectue lorsque le cout de la protection est trop élevé et l’accommodement impossible. C’est souvent une étape douloureuse et n’est d’habitude adoptée qu’en dernier recours lorsque l’érosion côtière l’impose (par exemple à Shifmaref en Alaska) ou lorsque les inondations lors de tempêtes deviennent trop fréquentes (par exemple Sainte Flavie ou Sainte Luce au Québec). Comme le retrait implique une perte de valeur (valeur foncière, valeur immobilière), la question de la répartition de la perte se pose systématiquement. Elle peut être assumée par les propriétaires ou les assurances contractées par ceux-ci ; dans certains cas aussi par les gouvernements (solution du buy-out). Le retrait, qu’il soit planifié ou imposé, occasionne des impacts humains et sociaux, qui peuvent être lourds à porter pour les communautés et les individus.

Précaution

La précaution consiste à éviter l’installation de résidences, d’infrastructures ou d’activités humaines dans des zones à risque. Il s’agit donc d’un principe général et en apparence évident, mais qui n’est pas si simple à appliquer en pratique puisque l’appréciation du risque est une question complexe qui varie entre différents intervenants et différents individus et dépend également du niveau de connaissance de ce risque. Nous y reviendrons dans certaines études de cas. Les progrès technologiques rendant la protection plus efficace ont catalysé l’établissement dans des zones à risque (plaines inondables, etc.), parfois avec des résultats catastrophiques comme dans le cas de la Nouvelles-Orléans. Dans beaucoup de régions, l’aversion au risque est contrebalancée par la désirabilité du territoire côtier, et dans certains cas la pression démographique, ce qui mène à une occupation de plus en plus dense de la zone côtière, créant ainsi des territoires du risque (Meur-Férec, 2021).

Laquelle de ces stratégies est adoptée dans un cas concret dépend des circonstances locales. Une stratégie est rarement adoptée de manière exclusive dans un plan d’adaptation ; on y trouve généralement un mix de stratégies. Dans le bloc 3, nous allons voir des exemples de ces différentes stratégies à travers le monde. Les études de cas permettront également de réfléchir sur les stratégies d’adaptation. D’autres outils seront présentés dans les études de cas. Comme nous avons vu dans la section précédente, l’adaptation peut s’effectuer de manière réactive ou planifiée. Elle peut être implémentée par les individus, les communautés, ou les autorités. Ces modes d’adaptation auront bien sûr un impact sur les choix de stratégies et de techniques.

Les techniques d’adaptation peuvent être réparties en plusieurs catégories : techniques de protection, techniques d’aménagement, techniques architecturales, instruments de planification, systèmes de réponse d’urgence, instruments de gestion et législation, etc. Il est impossible dans le contexte de cette présentation de dresser un inventaire exhaustif de toutes les techniques d’adaptation utilisées, nous présenterons ci-dessous une sélection de quelques outils d’adaptation particulièrement intéressants, adaptée et traduite de (Arlington Group et al., 2013).

Outils de planification

Objectifs et politiques :

  • Croissance et développement
  • Gestion côtière basée sur la sensibilité aux impacts

Cartographie des risques côtiers :

  • Cartographie LiDAR
  • Modèles d’élévation numériques
  • Cartes d’inondation
  • Cartes d’érosion 

Gestion du risque :

  • Évaluation des risques aux infrastructures et personnes
  • Analyse coûts-bénéfices
  • Évaluation de la vulnérabilité et résilience

Mesures d’urgence :

  • Élaboration de plans de contingence
  • Préparation aux urgences
  • Planification post-urgence

Éducation et sensibilisation :

  • Réunion publiques, brochures, vidéos, sites web
  • Éducation dans les écoles
  • Comités de concertation

Outils régulatoires

Gestion du développement

  • Restreindre le développement dans les zones vulnérables
  • Prévenir les dommages aux écosystèmes naturels

Réglementation des constructions :

  • Adapter les codes de construction pour réduire le risque de dommages aux propriétés et habitants

Zonage du territoire :

  • Règlements municipaux sur le recul de la zone côtière et les usages autorisés

Gestion du territoire

Acquisition :

  • Acquisition ou expropriation de territoire :
    • À risque d’inondation.
    • Pour l’implantation de protections.

Restrictions d’usage :

  • Faciliter l’usage de terrains pour la conservation et autre non-développement
  • Gestion des droits d’accès etc.

Dotation de terrains :

  • Gestion de terrains de conservation par des TRUSTS ou autre forme d’OSBL environnementale

Propriété de l’estran :

  • Accord d’un droit d’usage ou d’occupation de terres de la couronne pour les intégrer aux plans de gestion côtière

Technique de protection

Digues :

  • Structures de protection linéaires
  • Structures de protection secondaires, p.ex. barrière anti-inondation

Autres protections solides :

  • Jetées
  • Brise-lames
  • Récifs artificiels
  • Digues à bermes reprofilables
  • Portes anti-inondations

Protection anti-érosion :

  • Protection des fondations d’immeubles, digues et autres infrastructures

Élévation structurelle :

  • Élévation d’un terrain constructible
  • Constructions sur pilotis
  • Élévation de la hauteur des parties habitables

Construction résiliente :

  • Étanchement des immeubles
  • Matériaux résistants à l’eau
  • Confinement

Protection naturelle

Conservation et réhabilitation des dunes :

  • Interdictions d’accès, surtout pour véhicules
  • Rehaussement
  • Végétalisation stabilisatrice

Protection des marais et terres humides :

  • Création d’une zone tampon pour atténuer l’effet des vagues
  • Reforestation des terres humides ou mangroves

Rechargement des plages :

  • Utilisation de sable de dragages (ports)

Protection des barrières de corail :

  • Réduction de la sédimentation
  • Contrôle de la navigation, plongée et pêche
  • Replantation de coraux

La sélection d’outils d’adaptation qui vient d’être présentée est également fournie dans le document au format PDF intitulé Tableau des outils d’adaptation.

2.2 Ouvrage de protection

Les ouvrages de protection sont un des premiers réflexes de populations côtières face à la menace d’inondation côtières. Ils sont employés en Europe depuis le moyen-âge (voir sous-section 3.2 pour l’exemple des Pays-Bas et de l’Allemagne), mais les techniques ont beaucoup évolué. Il existe d’innombrables types de digues, de géométries et matériaux de construction : terre, grès, sable, bois, roches, béton, pneus remplis de sable, etc.

On distingue plusieurs types de structures :

Murs anti-inondation ou anti-érosion (angl. seawall)

Ce sont des constructions plus ou moins verticales sur la côte prévenant des inondations et de l’érosion. Ils sont bâtis de matières très diverses, souvent des pierres, du ciment ou du béton, mais aussi du bois ou d’autres matériaux (Figure 1). La construction d’un mur d’érosion coute entre 150 $ et 4000 $ par mètre, reflétant la nature très variée des installations (Eastern Research Group, 2013). L’effet de bout (flanking erosion) est un problème courant des murs anti-érosion (Diouf et al., 2021). La force des vagues déviées par le mur se concentre à ses deux extrémités de manière que l’érosion y est grandement accélérée, obligeant de sorte les voisins à construire à leur tout un mur. C’est une des raisons pour lesquelles on observe une artificialisation croissante sur de nombreux littoraux.

Figure 1 . Différents types de structures de protection construites à Pointe-Carron.
Quatre types de structures de protection construites à Pointe-Carron. Des précisions dans la note qui suit la figure.

Note : 1) enrochement avec de larges blocs (heavy shale), 2) enrochements de petites roches (small rock riprap), 3) mur en ciment (vertical cement wall), 4) enrochement avec de larges roches (large rock rip rap).

Source : Ville de Bathurst dans Carron erosion study team, 2009.

Figure 2. Mur anti-inondation en béton à la Nouvelle-Orléans.
Mur anti-inondation d'environ 2 mètres en béton, le long d'une berge à la Nouvelle-Orléans.

Source : Mary Beth Delarm, 2005.

Digues (angl. Dyke)

Les digues sont construites le long des littoraux (mais aussi des cours de fleuves) de façon à protéger l’arrière-pays des inondations lors de fortes marées. Les digues sont généralement construites en plusieurs couches avec une géométrie inclinée. Le cœur d’une digue peut être fait de terre, béton, métal ou remblai. Le cœur est généralement entouré d’une enveloppe en matériel résistant à la force des vagues, soit du béton ou de la pierre, ou du gazon soigneusement entretenu (Figure 3). Des brise-lames sont parfois placés en avant de la digue pour amortir le choc des ondes de tempête. La construction de digues est un art qui a évolué au cours des siècles. Certaines régions comme les Pays-Bas ou l’Acadie se sont illustrés par leurs digues élaborées. La construction d’une digue coûte entre 100 $ et 1 500 $ par mètre, dépendant de la hauteur et la facture de l’ouvrage (Eastern Research Group, 2013).

Figure 3. Entretien d’une digue par des moutons.
Une large digue dont la végétation est entretenue par quelques moutons. La digue est associée à un brise-lame.

Note : Des moutons sont utilisés pour l’entretien du gazon de la digue de Wasserkoog Tetenbüll aux Pays-Bas, permettant ainsi d’éviter les dommages occasionnés par la machinerie lourde.

Source : Wikimedia commons

Barrages (angl. Dam, barrier)

Les barrages sont, au contraire des digues, construits perpendiculairement à un cours d’eau et servent à en bloquer ou réguler l’écoulement. Dans le contexte côtier, les barrages mobiles jouent un rôle important. Situés en aval d’un fleuve, dans les deltas ou dans un goulot d’étranglement, un passage de lagune, etc., ils servent à éviter les inondations en cas de marée exceptionnelle, tout en permettant le passage de l’eau ou de bateaux en temps normal (Figure 4). Nous verrons plus tard quelques exemples de barrages à battants ou porte (Maeslantkering aux Pays-Bas), de barrage à glissière (Oosterscheldekering aux Pays-Bas), de barrage rotatif (barrière de la Tamise en Angleterre) ou de barrage à gravité (projet Moïse à Venise).

Le coût de tels ouvrages est exorbitant, allant de plusieurs centaines de millions à quelques milliards de dollars, soit 0,5 à 3,5 millions de dollars par mètre (Linham et Nicholls, 2010). Ils ne sont donc construits que dans des circonstances exceptionnelles, par exemple pour protéger des centres urbains majeurs (Londres, Rotterdam, Venise, Saint-Pétersbourg, etc.), là où un barrage fixe n’est pas faisable. Un des problèmes avec ces ouvrages est que leur dimension est fixe et ne peut pas être modifié en cas d’augmentation du niveau de la mer plus importante qu’anticipée.

Figure 4. Barrière de la Tamise avec une porte rotative en position émergée pour la maintenance.
Barrière de la Tamise avec une porte rotative en position émergée pour la maintenance.

Source : Wikimédia commons.

Brise-lames (angl. Breakwater)

Des brise-lames sont situés en avant de zones à protéger, comme des habitations, des ports, etc. Leur rôle est d’amortir le choc des vagues plutôt que de prévenir des inondations. Un brise-lame ne doit donc pas nécessairement être haut ou imperméable. Dans le cas de ports, ce rôle est joué par les jetées (Figure 5). Des brise-lames peuvent aussi être placés en avant de digues pour absorber une partie de l’énergie des vagues. Ils sont construits en blocs de béton, en enrochement ou avec des troncs d’arbres solidement ancrés dans le sable.

Figure 5. Jetée en empierrement protégeant le port de Stonehaven, Nouveau-Brunswick, Canada.
etée en empierrement protégeant le port de Stonehaven au Nouveau-Brunswick.

Source : Photo de S. Weissenberger, 2012.

Épis (Angl. Groynes)

Les épis sont des structures en pieux, bois, roche ou béton perpendiculaires à la ligne de côte destinées à freiner la dérive littorale et limiter le transport de sédiments le long des plages (Figure 6, Figure 7, Figure 8) . Ils visent donc à stabiliser des segments de plage qui sont en recul. Les épis sont donc une alternative à la recharge périodique des plages. En retenant les sédiments, ils mènent cependant à une érosion en aval de la dérive littorale.

Figure 6. Épis en enrochement à Capbreton dans les Landes (France).
Exemple d'épis en enrochement à Capbreton dans les Landes, en France.

Source : Wikimédia commons.

Figure 7. Épis en pieux de bois à Markgrafenheide sur le bord de la mer baltique (Allemagne).
Exemple d'épis en pieux de bois à Markgrafenheide sur le bord de la mer baltique, en Allemagne.

Source : Wikimédia commons.

Figure 8. Épis en palissade de bois sur la côte est de l’Angleterre.
Exemple d'épis en palissage de bois sur la côte est de l'Angleterre.

Source : Wikipédia

2.3 Systèmes d’évacuation d’eau

En cas de tempête ou d’ouragan, les quantités d’eau charriées par les précipitations et les crues dépassent souvent la capacité de drainage des systèmes de canalisation des eaux des milieux urbains, provoquant ainsi des inondations. De plus, de telles crues peuvent endommager des usines de traitement d’eaux usées ou de production d’eau potable. De tels évènements mettent en péril l’approvisionnement en eau potable et posent un risque pour la santé publique à travers la propagation de maladies hydriques et de contaminants charriés par les eaux de surface.

Le drainage des eaux de crue peut s’effectuer à différentes échelles, allant de modestes tuyaux aux ouvrages imposants de Tokyo ou Bangkok (Figure 9, Figure 10). Dans tous les cas, un système d’évacuation d’eau de crue doit en principe être intégré au système régulier d’écoulement des eaux de surface, comme les égouts, caniveaux, ravines, etc., ce qui n’est cependant pas toujours le cas. De plus en plus, les planificateurs urbains intégration des réservoirs naturels, comme des parcs, comme aires tampon dans les systèmes d’évacuation de crues.

Figure 9. Tuyau d’évacuation de crues posé par la MINUSTAH aux Gonaïves, Haïti.
Exemple de système de drainage en Haïti. Un tuyau d'évacuation des crues de quelques dizaines de centimètres de diamètre.

Source : MINUSTAH

Figure 10. Conduit d’évaluation à Bangkok (Thaïlande).
Quatre personnes marchent dans un conduit d'environ 6 mètres de diamètre, conduit d'évacuation à Bangkok en cas de crue des eaux.

Source : Bangkok Post.

L’imperméabilisation des sols peut également réduire le risque d’inondation puisque, surtout en milieu urbain, l’eau remonte souvent par les infrastructures du sous-sol et s’infiltre vers le haut (Figure 11). Cette mesure peut donc complémenter un système de digues afin de réduire la fréquence des inondations comme il a été proposé entre autres pour Venise (Figure 12).

Figure 11. Exemple d’infiltration d’eau par les conduits souterrains.
De l'eau jaillissant intensément d'une bouche de conduit souterrain.

Source : Wikimédia commons.

Figure 12. Imperméabilisation proposée de la Place Saint-Marc à Venise.
Coupe transversale de la place Saint-Marc incluant le sous-sol et photographies de la place pour illustrer les mécanismes d'imperméabilisation et de gestion des crues.

Source : site web du projet Moïse (Venise, Italie)

2.4 Protections naturelles

Les formations et écosystèmes côtiers fournissent une protection importante contre l’effet des tempêtes, des vents ou des inondations. Cependant, le développement côtier et l’utilisation des ressources naturelles fragilisent ces protections naturelles. Lorsque des protections artificielles doivent pallier le risque accru causé par la dégradation des systèmes côtiers naturels, cela entraine des coûts importants. Pour cela, la réhabilitation et la conservation des milieux naturels sont des interventions de plus en plus valorisées au sein des stratégies d’adaptation.

Cependant, cela doit être fait avec discernement. Par exemple, dans l’Andra Pradesh en Inde, des Casuarina, une espèce d’arbre étrangère à la région, a été plantée comme bouclier anti-inondation. Non seulement, cette mesure n’a pas été efficace, mais de plus les Casuarina ont envahi les mangroves locales, nuisant à la biodiversité (Feagin et al., 2009).

Le principe des côtes vivantes ou du littoral vivant (angl. living shorelines) gagne beaucoup en popularité à travers le monde. Voir par exemple la ressource Understanding Living Shorelinesproposée par la National Oceanic and Atmospheric Administration (NOAA). C’est aussi le cas au Canada (voir par exemple la communauté de pratique de Zones Côtières Canada) (voir aussi encadré 1). Le concept remonte néanmoins déjà aux années 1970 (Royle, n.d.).

Les côtes vivantes mettent l’accent sur les protections naturelles et la maximisation des services écosystémiques comme la biodiversité, la qualité de l’eau, les habitats pour des espèces migratoires ou en danger, le stockage de carbone, etc. (Isdell et al., 2021). Il s’agit donc de techniques d’ingénierie douce qui consistent en un aménagement du littoral favorisant le maintien des plantes et écosystèmes indigènes. Des éléments plus rigides comme des enrochements, la stabilisation de berges ou des brise-lames peuvent être incorporés au sein de côtes vivantes lorsque nécessaire.

Encadré 1. Les côtes vivantes

Quelques ressources éducatives et pratiques sur les côtes vivantes (certaines en anglais uniquement)

Description de l’atelier du Groupe de Développement Durable du Pays de Cocagne.

Page d’information du Réseau Environnemental du Nouveau-Brunswick

Page de Nature Heal sur les côtes vivantes

Page d’information du Ecology Action Centre en Nouvelle-Écosse

2.4.1 Les terres humides

Les terres humides côtières (marais salants) sont des environnements très productifs qui abritent une biodiversité importante et agissent comme trappe à sédiments en même temps que de stabiliser les côtes (Figure 13). Elles représentent une protection efficace contre les inondations. Costanza et al. (2008) ont établi qu’en Louisiane, la perte d’un hectare de terres humides augmentait le coût d’un ouragan de 33 000 $. Sur cette base, la valeur de protection des terres humides aux États-Unis s’établit à 23,2 milliards de $ par an (Costanza et al., 2008). Ce sont donc des protections côtières importantes.

Les terres humides peuvent s’adapter à une augmentation progressive du niveau de la mer en migrant vers l’intérieur des terres, pour autant que le développement côtier leur en laisse la place. Le phénomène de compression côtière (angl. coastal squeeze) est donc à éviter. Dans sa politique de protection des zones côtières de 2002 ainsi que dans sa politique de protection des côtes, la province du Nouveau-Brunswick recommande de laisser une zone tampon de 30 mètres pour maintenir l’intégrité écologique des terres humides (Carron erosion study team, 2009).

Bien sûr, les déplacements à pied ou a fortiori en véhicule motorisé ainsi que le déversement de déchets sont absolument à éviter, puisque les plantes présentes dans les terres humides sont très fragiles.

L’importance des terres humides dans la protection côtière est maintenant reconnue et certains États investissent dans leur protection et restauration. Dans le cadre de son Fonds de mitigation des désastres et d’adaptation, le Canada finance des solutions naturelles, telles qu’un projet de 25 millions de dollars de restauration de marais salés et des digues dans la Baie de Fundy en Nouvelle-Écosse, avec l’objectif de réduire la sévérité des inondations pour plusieurs dizaines de milliers de résidents et de protéger des sites du patrimoine mondial, des sites autochtones et 20 000 hectares de terres agricoles (Global Commission on Adaptation, 2019).

Figure 13. Marais salé de la batture du Kamouraska, Québec.
Exemple de terres humides avec un marais salé de la batture à Kamouraska au Québec.

Source : photo de S. Weissenberger, 2013.

2.4.2 Les mangroves

En plus de contribuer à la purification de l’eau, à la rétention de sédiments et comme pouponnière pour de nombreuses espèces aquatiques, les mangroves protègent aussi le territoire en arrière de l’effet des vagues et des vents lors de tempêtes (Figure 14). Certaines études ont évalué que les mangroves peuvent réduire l’ampleur des ondes de marée de jusqu’à 50 cm et absorber 75 % de l’énergie du vent (McIvor et al., 2012). Les mangroves sont cependant souvent dégradées et fréquemment remblayées pour laisser la place au développement côtier. La restauration de mangroves coûte entre 5000 et 200 000 $ par hectare selon le terrain et la nature des travaux (excavation, pas d’excavation, etc.) (WRP, 2000).

Figure 14. Mangrove à Roatan (Honduras).
Exemple de mangrove au Honduras.

Source : Wikicommons.

2.4.3 Les coraux

Comme les mangroves, les coraux offrent une protection contre les ondes de tempêtes (Fernando et al., 2005). Partout dans le monde, les coraux sont cependant menacés par le réchauffement des eaux, l’acidification de l’océan et diverses activités humaines. La restauration des coraux peut impliquer :

  • La restauration physique lorsque les activités humaines ou un ouragan a endommagé la structure du corail.
  • La restauration biologique quand l’intégrité du corail est atteinte, par exemple en cas de blanchissement. Cela s’effectue généralement par transplantation de corail.
  • La création de pouponnières au large de la côte (Figure 15). Cette étape est un prérequis pour la restauration biologique. Il existe plusieurs techniques d’élevage de corail.
  • La création de corridors de dissémination naturelle. Les polypes de corail peuvent survivre longtemps en eau libre et sont disséminés sur des distances importantes. Certains lieux ont été identifiés comme source de corail vivant. Il est donc important de les protéger.
  • Le contrôle des activités anthropiques. La restauration du corail ne peut être efficace que si les éléments perturbateurs d’origine anthropique – navigation, plongée, sédimentation, contaminants, etc. – sont contrôlés préalablement. Le réchauffement et l’acidification des eaux océaniques est bien sûr impossibles à contrôler, il faut donc d’autant plus diminuer le plus possible les autres facteurs environnementaux adverses.
Figure 15. Restauration de corail aux Îles Caïman.
Uns structure sous-marine pour restaurer le corail aux Iles Caïman.

Source : photo de S. Weissenberger, 2019

2.4.4 Les récifs artificiels

Aux États-Unis et aux Pays-Bas, notamment, des récifs d’huitres sont utilisés comme brise-lames et pour réduire l’érosion (Figure 16). Les huitres sont initialement déposées sur un substrat de coquille ou autre matériel approprié, et croissent en même temps que l’acier se désintègre par corrosion, laissant une structure entièrement naturelle qui se maintient par recrutement de larves d’huitres (De Vries et al., 2012). L’huitre du Pacifique (Crassostrea gigas) est particulièrement efficace dans la construction de récifs. Dans le cas d’un projet de récif artificiel en corail en Louisiane, la réduction de la hauteur et de l’énergie des vagues a été estimées à 51-90 % et 76-99 %, respectivement (Kroeger, 2012). Bien que la construction de récif d’huitres soit assez couteuse (quelques milliers à quelques millions de dollar, et 100-150$ pour la restauration de récifs), ces structures sont très solides et peuvent durer plus de 50 ans.

Figure 16. Récif d’huitres en construction en Alabama.
Exemple de récif d'huitres en construction dans l'état de l'Alabama aux États-Unis.

Source : Beth Young, via The Nature Conservancy.

2.4.5 Les dunes

Les dunes offrent une bonne protection contre les inondations, les ondes de marées ou le vent. Il s’agit cependant par nature de milieux dynamiques qui se déplacent au fil du temps, parfois de manière imperceptible, parfois plus rapidement. Dans des environnements anthropisés, on souhaite généralement maintenir les dunes en place et également les protéger des impacts des activités humaines. On vous recommande un court vidéo de l’association Attention Fragiles (3 minutes) aux Îles-de-la-Madeleine qui explique comment est constituée une plage avec ses dunes.

La protection des dunes peut prendre plusieurs formes. Parmi les mesures envisageables figurent (GBV Cap-Pelé, nd) :

Repeuplement

Certaines plantes comme l’ammophile forment un système racinaire profond qui stabilise la dune (Figure 17 ); cette méthode est économique puisqu’elle peut être appliquée à un coût de moins d’un demi dollar par m2 (Eastern Research Group, 2013).

Figure 17. Repeuplement de dune par l’ammophile à ligule courte à Cap-Pelé.
Exemple de repeuplement d'une dune pour l'ammophile à ligule courte à Cap-Pelé.

Source : Vision H2O (2022).

Protection

Des clôtures en bois réduisent l’érosion et le transport de sable. Il faut cependant considérer que ces clôtures ne tiennent pas compte de l’évolution naturelle des dunes, qui sont des milieux dynamiques pouvant se déplacer (Figure 18).

Figure 18. Clôture anti-érosion dans le comté de Kent.
Exemple de clôture anti-érosion dans le comté de Kent en Angleterre.

Source : Université de Moncton dans Carron erosion study team, 2009.

Stabilisation et régénération

Des barrières de végétation permettent à une dune dégradée de se régénérer plus facilement en trappant le sable en mouvement (Figure 19); l’efficacité des sapins de Noël enfouis est cependant limitée puisqu’ils sont aisément délogés durant des tempêtes (O’Connell, 2008). Parfois, des débris, surtout des engins de pêche, ramassés sur la plage sont utilisés pour stabiliser la dune (Figure 20).

Figure 19. Barrière de sapins à Cap-Pelé.
Des sapins de noël réutilisés pour créer une barrière sur la plage à cap-Pelé.

Source : Vision H2O (2022)

Figure 20. Structure mixte de débris d’engins de pêche et de végétaux recyclés à Pointe-du-Chêne.
Exemple d'utilisation de débris de plage pour former une barrière le long d'une plage à Pointe-du-Chêne.

Source : photo de S. Weissenberger, 2015.

Sensibilisation

Les déplacements à pied ou en véhicules sont la principale cause de dégradation des dunes, il est donc important de réduire ces nuisances par la sensibilisation ou au besoin la législation (Figure 21).

Figure 21. Pancarte incitative pour les visiteurs du parc de l’Aboiteau à Cap-Pelé.
Exemple de pancarte de sensibilisation. Celle-ci indique 'SVP, ne marchez pas sur les dunes' en français et en anglais.

Source : GBV Cap-Pelé, 2008.

Aménagement

La construction de plates-formes d’observation et de passerelles permet également de réduire le piétinement des dunes (Figure 22).

Figure 22. Plateforme d’observation de dune au Sleeping Bear Dunes National Park (Michigan, États-Unis).

Source : Terry Phipps, National Park Service, 2005.

2.4.6 La recharge de plages

Pour contrer la perte de sable due à l’érosion, il est possible de recharger les plages en sable. Comme les coûts sont assez élevés, de 300-1000 $ par mètre (Eastern Research Group, 2013), cette technique n’est employée que pour les plages présentant un attrait particulier comme la plage de Parlee au Nouveau-Brunswick, qui reçoit presqu’un demi-million de visiteurs par an (Figure 23). Le sable est transporté soit par camion soit par barge.

Figure 23. Érosion à la plage de Parlee, Nouveau-Brunswick, Canada.
Explication dans la paragraphe précédent la figure.

Source : S. Weissenberger, 2012.

L’engraissement artificiel (synonyme de recharge) peut s’effectuer continuellement, comme à Parlee Beach, ou de manière ponctuelle et massive, comme le projet du Delfland Sand Engine aux Pays-Bas, où 21,5 millions de m3 de sable ont été répartis sur une centaine de m2, jusqu’à 7 mètres de hauteur (De Vries et al., 2012). Au cours des décennies à venir, la langue de sable évoluera de manière naturelle en suivant les courants dominants. Entretemps, elle sert de lieu de récréation et d’habitat faunique.

L’approche des Pays-Bas a inspiré les Îles de la Madeleine au Québec pour la recharge des plages de Cap-aux-Meules et La Grave (voir encadré 2).  À Cap-aux-Meules, 90 000 tonnes (soit 67 000 m3) de granulat seront utilisés pour le projet de 9 millions de $ ; à La Grave, ce sont 75 000 tonnes de gravier qui formeront la recharge, à un coût de 6,4 millions de $, pour rehausser ces plages de plusieurs mètres (Dami-Houe, 2022 ; Langlois, 2022 ; Radio-Canada, 2021).

La restauration de langues sableuses fonctionne selon le même principe ; il s’agit cependant d’une entreprise plus fastidieuse. Ainsi, la restauration de l’ile de Grande Terre en Louisiane est au coût de 31 millions de $ (Schleifstein, 2012).

Encadré 2. La recharge d’une plage des Iles-de-la-Madeleine

Trois capsules vidéo de la Municipalité de Havre-Aubert des Iles-de-la-Madeleine qui traitent de la recharge de la plage La Grave.

Capsule 1 (2 minutes)

Capsule 2 (1 minute)

Capsule 3 (2 minutes)

2.4.7 Les zones tampons et les espaces de liberté

La présence de zones tampons permet d’absorber de grandes quantités d’eau lors d’inondations. L’urbanisation contemporaine laisse souvent peu de place à de telles zones. Les milieux végétalisés, qu’il s’agisse de forêts, marais ou de simples gazons, ont une capacité d’absorption d’eau bien supérieure aux milieux pavés et bétonnés.

De plus en plus de municipalités et villes décident de mettre de côté des zones tampons. C’est une mesure souvent difficile à faire accepter par les parties prenantes puisque ces terrains ne sont plus constructibles et perdent de la valeur. Une expropriation avec dédommagement ou un rachat est nécessaire et peut être fort couteux pour la collectivité.

La mise en place de zones tampons ne se substitue pas à des ouvrages de protection ou systèmes d’évacuation des crues, mais les complémente ; il s’agit donc de construire une stratégie intégrée de lutte contre les inondations qui inclut les protections naturelles et artificielles, les zones tampons et les systèmes de protection actifs. Nous verrons dans la section 3.2.3 l’exemple de Tokyo qui allie ces trois éléments.

Aux Pays-Bas, dont le territoire est parcouru par quatre deltas de fleuves, 38 projets de réclamation de zones tampons sont en cours d’implémentation (Figure 24). Cela s’inscrit dans la philosophie de l’« espace de liberté » (angl. room for the river), qui vise à « vivre avec l’eau au lieu de la combattre » (Global Commission on Adaptation, 2019). L’idée centrale est donc de laisser plus de place aux rivières pour déborder lors des crues plutôt que de construire des digues toujours plus hautes (Biron et al., 2013). Dans la ville de Nijmegen, 50 maisons ont été rachetées au prix du marché pour permettre l’élargissement du fleuve (Süddeutsche, 2013). Dans d’autres endroits, des terres agricoles ont été retournées à l’état de plaine inondable, qui accessoirement devient un habitat d’oiseaux et lieu de loisir (Brotherton, 2013).

Figure 24. Zone tampon (gauche : inondation, droite : niveau d’eau normal) dans la ville de Deventer, Pays-Bas.
Deux cartes côte à côte pour illustrer l'espace de liberté créé de part et d'autre de la rivière dans la ville de Deventer aux Pays-Bas. Quand la rivière sort de son lit, elle n'impacte pas les infrastructures.

Source : Sueddeutsche.de, 2013

D’autres pays se sont inspirés de la philosophie de l’espace de liberté. Le projet Big U à New York, élaboré à la suite de l’ouragan Sandy en 2012, propose de créer des digues naturalisées sous formes de parcs urbains dans le sud de Manhattan plutôt que des digues en béton (Figure 25). En ce faisant, le projet vise à non seulement protéger la ville des inondations, mais également créer des espaces de valeur qui bénéficient à la communauté ; une approche qu’on désigne comme infrastructure sociale (BIG, 2015 ; Quirk, 2014).

Figure 25. Le projet du Big U à New York.
Photo de Manhattan sur laquelle est superposée la proposition de réaménagement berges selon le projet Big U.

Source : Rebuild By Design

En Chine, le concept des villes-éponges (angl. sponge cities) a été développé en 2014 (Chan et al., 2018), lequel vise à atteindre deux objectifs, de diminuer la sévérité des inondations et répondre à la demande en eau, critique dans de nombreuses régions de la Chine (Wang et al., 2018). En termes d’urbanisme, cela se traduit par une perméabilisation des sols, ainsi que l’aménagement d’infrastructures vertes – étangs, terres humides, jardins et autres espaces hydriques – en conjonction avec des infrastructures grises (Yin et al., 2021). Cela permet aux eaux de pluie de s’écouler et en partie d’être disponible pour des usages futurs plutôt que s’accumuler au-dessus de surfaces imperméables, comme on retrouve généralement en milieu urbain. L’objectif est de capter 70% des eaux de pluie (Jing, 2019).

2.5 Méthodes de construction résidentielle

Étant donné que le risque d’inondation ne peut jamais être complètement écarté, les méthodes de construction dans des zones à risque peuvent être adaptées à des inondations occasionnelles. Un principe de construction adaptée est la construction en hauteur, soit sur des talus de terre ou sur des pilotis (Figure 26, Figure 27 ).

Figure 26. Maison construite sur un talus dans le comté de Westmorland, Nouveau-Brunswick, Canada.
Exemple d'une maison construite sur un talus.

Source : photo de S. Weissenberger, 2012.

Figure 27. Maison construite sur pilotis dans le comté de Westmorland, Nouveau-Brunswick, Canada.
Exemple de maison construit sur pilotis.

Source : photo de S. Weissenberger, 2012.

À défaut de vouloir engager les frais pour des travaux de terrassement ou une construction sur pilotis, qui peuvent atteindre quelques dizaines de milliers de dollars, un architecte peut utiliser de manière intelligente la forme du terrain pour garder les parties habitables au-dessus d’une certaine hauteur, réservant les parties basses de la maison au garage, à la cave ou à d’autres fonctions subordonnées (Figure 28 ).

Figure 28. Maison construite avec les zones habitables surélevées dans le comté de Westmorland, Nouveau-Brunswick, Canada.
Exemple de maison avec ses zones habitables surélevées.

Source : photo de S. Weissenberger, 2012.

Des techniques d’étanchéisation et de cloisonnement sont également employées, surtout en ce qui a trait aux reflux des installations sanitaires, les matériaux d’isolation appropriés (polyuréthane plutôt que fibres minérales ou autres matériaux retenant l’eau), pose de membranes imperméables à l’intérieur du mur, élévation des installations électriques, etc.

Les différentes juridictions fixent les standards de protection que doivent atteindre une nouvelle construction. Par exemple, en Colombie Britannique, un bâtiment doit être résistant à une inondation d’une période de retour de 200 ans, en Terre-Neuve de 100 ans. L’élévation du niveau de la mer n’est cependant généralement pas prise en compte dans ces normes. Un endroit où cela a été le cas est la communauté rurale de Beaubassin-Ouest, qui a établi un seuil d’élévation de 4,30 m des parties habitables d’un édifice résidentiel, chiffre qui inclut 1,40 m de prévision d’augmentation du niveau de la mer au cours du 21e siècle (Doiron, 2012).

Une approche plus exotique est celle de maisons flottantes développées notamment aux Pays-Bas depuis quelques années, s’inspirant des différents types de bateaux-maisons utilisés traditionnellement dans le monde (Figure 29, Figure 30, Figure 31 ). De nouveaux développements technologiques permettent de construire des maisons de taille importante et de fonctionnalité avancée et ce, même dans des zones affectées par les marées, les maisons et branchements étant capables de suivre le mouvement de l’eau. Les coûts de construction de maisons flottantes est sensiblement le même que celui de maisons classiques, le coût des fondations étant remplacé par celui des caissons flottants, en polystyrène expansé (PSE) ou en caissons étanches en béton armé.

Figure 29. Maison flottante à Victoria (Canada).
Exemple de maison flottante à Victoria.

Source : Wikimédia commons.

Figure 30. Maisons flottantes au Laos.
Exemple de maison flottante au Laos.

Source : Umdiewelt.de

Figure 31. Pavillon Drijvend dans le port de Rotterdam.
Exemple de bâtiment flottant dans le port de Rotterdam dans lequel il est possible d'organiser des événements comme des conférences.

Source : Wikimédia commons.

À défaut de pouvoir changer l’architecture ou la localisation des maisons, on peut les protéger contre les inondations. Dans ce contexte, on distingue entre la protection partielle (angl. wet floodproofing) ou la protection totale (angl. dry floodproofing). La première vise à concevoir une maison de manière à minimiser les dommages et les dangers lorsqu’une maison est inondée, la seconde à aménager le contexte extérieur de la maison de manière à réduire le risque d’inondation (figure 20). Dans certains pays, des clapets anti-retours ou des pompes de relevage sont exigées par les assurances de domicile. Généralement, la protection partielle ne réduit pas les primes d’assurances si le bâtiment est situé dans une zone à risque, mais peut réduire la sévérité des dégâts et la durée des réparations.

Figure 32. a) Exemple de protection partielle, b) exemple de protection absolue.

a)

b)

Source : a) MDA, n. d. b) FEMA, 2015

 

2.6 Plans d’urgence

Comme expliqué dans le bloc 1, on s’attend de manière générale (mais différentiée selon le lieu et le type d’évènement) à une recrudescence des évènements hydrométéorologiques destructeurs en raison des changements climatiques. Il est donc important de mettre à jour les plans et mesure d’urgence à grande et petite échelle. Les mesures d’urgence sont généralement d’abord élaborées à l’échelle municipale. Pour des évènements de plus grande ampleur, des organismes étatiques peuvent prendre le relai (p.ex. le ministère de la sécurité au Québec, la FEMA aux États-Unis). Les plans d’urgence doivent prévoir de nombreuses actions :

  • Alertes
  • Évacuations
  • Aide médicale d’urgence
  • Protection des biens et personnes
  • Aide alimentaire
  • Autres

Ils s’articulent dans le temps en trois phases successives (Arlington Group et al., 2013) :

  • Préparation (angl. preparedness) : implantation d’un système efficace, acquisition d’équipement et de denrées de base, recrutement et formation d’intervenants, information du public, exercices
  • Réponse (angl. response) : évacuations, établissement de barrages de fortune, etc., durant l’évènement
  • Récupération (angl. recovery) : reconstruction, nettoyage, rapatriement ou relocalisation des personnes déplacées, compensations d’urgence de nature financière ou en nature (eau potable, aide alimentaire, semis, matériel agricole, etc.)

Les plans d’urgence varient selon le contexte. Ainsi, en Illinois aux États-Unis, les alertes sont transmises par téléphone cellulaire, au Bangladesh, on utilise plutôt des haut-parleurs, dans d’autres endroits ce sont la télévision ou la radio. Il faut prendre en compte le paysage de la technologie de la communication local pour pouvoir rejoindre le plus de personnes possibles avec le moindre effort. Étant donné que ce paysage de communication change rapidement en fonction des avancées technologiques et des marchés de la communication, ces plans de communication sont à réévaluer régulièrement.

Les plans d’évacuation sont difficiles à mettre en œuvre à grande échelle, comme l’a montré le cas de Katrina, où une grande partie de la population de la Nouvelle-Orléans n’a pas pu être évacuée, manque de moyens de transport (les autobus de la ville étaient eux-mêmes inondés !) et de coopération des résidents qui hésitent à abandonner leur maison par crainte des vols et par incertitude sur les conditions d’hébergement temporaires, crainte qui s’est d’ailleurs avérée justifiée. Une évacuation nécessite l’information et la participation de la population. Parfois, des solutions originelles émergent à l’exemple de ces signaux d’évacuation conçus par des artistes de La Nouvelle-Orléans (Figure 33).

Figure 33. Signe d’évacuation à La Nouvelle-Orléans conçu par l’artiste Douglas Kornfeld à la suite d’un concours organisé par le conseil des arts de La Nouvelle-Orléans, qui remplace les panneaux précédents.
Le titre de la figure fournit une explication complète.

Source : khowagold, 2012.

Dans plusieurs pays, les systèmes d’alerte en cas d’inondations se sont cependant montrés très efficaces. Ainsi, au Bangladesh, le nombre de décès lors des cyclones les plus récents est de plusieurs ordres de grandeur inférieur à ce qu’il était lors des évènements de 1970 (cyclone Bhola, 500 000 morts) ou de 1991 (150 000 morts), en grande partie dû aux systèmes d’alerte technologiquement très simples, mais très efficaces, mis en place. Au Mozambique, les inondations de 2007 ont causé 29 décès alors qu’un évènement semblable en 2000 avait encore fait 700 victimes (Heffernan, 2012). Comme dans le cas du Bangladesh, le système d’alerte implanté au Mozambique repose sur une forte participation de volontaires.

Il ne faut pas seulement prévoir l’évacuation, mais aussi l’approvisionnement de la population en cas de désastre. L’aide alimentaire peut être de l’aide d’urgence pour des personnes temporairement déplacées, mais peut aussi être une aide structurelle lorsque les récoltes sont affectées par un ouragan ou une tempête, comme c’est régulièrement le cas en Haïti et d'autres pays exposés à des évènements extrêmes. Une telle aide demande une logistique beaucoup plus élaborée. Encore plus important que l’alimentation, l’approvisionnement en eau potable doit aussi être garanti en cas d’évènements majeurs. Lors d’inondations, les eaux de rivière peuvent devenir contaminées et impropres à la consommation, les puits envahis par l’eau salée, les aqueducs endommagés. Il faut alors prévoir des unités d’osmose inverse ou l’acheminement d’eau potable par camion-citerne. Les maladies hydriques sont très fréquentes lors de grandes inondations, surtout sous un climat chaud. En 2010, les inondations aux Gonaïves en Haïti à la suite de l’ouragan Tomas ont aggravé l’épidémie de choléra. Des plans d’alerte précoce alliant les informations climatiques/météorologiques et épidémiologiques peuvent fournir aux autorités sanitaires un délai de préparation précieux (Ebi et al., 2006).

Une des difficultés majeures en cas d’inondation ou tempête est de maintenir l’accès à l’ensemble de la population. C’est une constante dans les zones côtières que les routes sont souvent construites en bord de mer. Il suffit qu’un tronçon soit endommagé ou submergé pour interdire l’accès des véhicules, qu’il s’agisse de voitures privées, d’ambulances, de camions de pompiers, de camions-citernes ou autres. Il est donc important pour un planificateur d’urgence de pouvoir identifier ces goulots d’étranglement, qui peuvent même se situer en arrière de territoire non inondés, mais en couper l’accès, ce qui suggère d’évacuer par anticipation de telles enclaves potentielles.

2.7 Approvisionnement en eau

L’intrusion d’eau salée dans les aquifères côtiers est un problème majeur dans de nombreuses zones côtières, par exemple Tuvalu, Vanuatu, Haïti, la bande de Gaza ou le Nouveau-Brunswick. Il n’existe aucun moyen d’empêcher cette intrusion, cependant un facteur qui la facilite est la surconsommation de l’eau des aquifères qui fait baisser la table d’eau douce et favorise ainsi l’intrusion d’eau salée, à cause de la pression hydrostatique réduite. La solution principale réside donc dans une diminution de la consommation, cependant difficile à implémenter, surtout dans les régions dans lesquelles la population ou l’activité économique croît.

Une autre solution est d’utiliser des sources d’eau alternatives, comme la récupération d’eau de pluie, ainsi que de minimiser les pertes d’eaux occasionnées par l’agriculture (installation de canaux d’évacuation des eaux d’irrigation, techniques agricoles spécialisées) ou de récupérer les eaux usées qui peuvent être employées à d’autres que la consommation humaine, comme le lavage ou les systèmes sanitaires.

L’approvisionnement en eau potable par aqueduc est très cher. La municipalité de Le Goulet, comptant moins de 1000 habitants, aurait dû dépenser 14 millions de dollars pour un tel service. En conséquence, la municipalité a préféré déplacer les maisons les plus à risque et adapter les règlements de zonage (Richardson, 2010).

Dans certains endroits comme les milieux insulaires ou les zones arides et désertiques, aucune autre source d’eau n’est disponible et la construction d’usines de désalinisation est la seule solution. L’osmose inverse est la technique la plus fréquemment utilisée. Le cout d’un mètre cube d’eau potable revient à 0,5-1 $. Pour une consommation de 50 litres par jour, recommandée par les Nations Unies, cela revient donc à 2,5-5 ¢ par jour par personne. Pour des pays développés, ces coûts ne sont pas prohibitifs. Des États comme Israël, l’Australie, l’Espagne, Singapour, les États-Unis ou les pays de la péninsule arabe ont ainsi de plus en plus recours à la désalinisation. Il n’est pas surprenant, étant donné les conditions climatiques, que les 10 plus importantes usines de désalinisation soient toutes situées au Moyen–Orient (Aquatech, 2021). Certaines usines sont alimentées par des énergies renouvelables : l’usine de désalinisation de Perth (Figure 34) est alimentée par un parc éolien, la nouvelle usine à Vanuatu à l’énergie solaire. 

Figure 34. Usine de désalinisation de Perth, Australie.
Installations en bord de mer de l'usine de désalinisation de Perth, en Australie.

Source : Suez Water Handbook.

Les investissements massifs dans des usines de désalinisation ne sont pas toujours bien vus par les experts. Barnett (dans Heffernan, 2012) objecte qu’une meilleure gestion de l’eau, le captage d’eau de pluie et le recyclage des eaux usées domestiques auraient suffi à contrer la pénurie d’eau dans l’état de Victoria en Australie au lieu de dépenser 2,9 milliards de $ pour l’usine de désalinisation de Wonthaggi.

Les usines de désalinisation peuvent aussi avoir des impacts sur les milieux aquatiques. Ainsi, la commission côtière de l’État de Californie a rejeté une demande de construction d’une usine de désalinisation au sud-est de Los Angeles à cause de l’impact anticipé du rejet d’eau salée concentrée dans l’océan sur les organismes marins (AP, 2022). La Californie manque d’eau à cause d’une sécheresse qui dure depuis plus d’une décennie.

Saviez-vous ? Osmose inverse

L’osmose inverse est un procédé physico-chimique par lequel le sel contenu dans de l’eau de mer peut être concentré dans un faible volume d’eau, à l’aide d’une membrane semi-perméable (qui ne laisse passer que de l’eau) et d’une pression considérable (Figure 35). Le volume restant est ainsi transformé en eau douce .

Figure 35. Représentation schématique de l’osmose inverse.

Source : TÉLUQ, 2022.

Le procédé repose sur le principe de l’osmose, c’est-à-dire la pression créée par un différentiel de concentration de deux côtés d’une membrane semi-perméable, un principe à la base de nombreux processus physiologiques. Le terme d’osmose avait été proposé par le chimiste écossais Thomas Graham en 1854. La loi de vant’Hoff (proposée en 1886 par le néerlandais Cornelius van 't Hoff, premier prix Nobel de chimie en 1901), qui explique l’osmose, s’apparente formellement à celle des gaz idéaux (Équation 1).

(Équation 1)

Où P= pression osmotique, V = volume de la solution, nB = quantité de soluté en moles, R = constante des gaz, T = température.

2.8 Outils de planification

Grâce aux nouvelles technologies de télédétection et de traitement de données disponibles aujourd’hui grâce aux systèmes d’informations géographique (SIG), l’acquisition, le traitement et la dissémination d’informations géospatiales est un outil puissant pour assister à la planification du territoire et à l’évaluation des risques. Plusieurs outils sont aujourd’hui couramment employés :

  • Les photos aériennes.
  • Le LIDAR.
  • Les données satellites.
  • Les modèles numériques d’élévation.
  • Les cartes d’inondation (Figure 36, Figure 37).
Figure  36 . Diaporama de cartes d’inondation pour différentes forces de tempêtes classées selon leur temps de retour pour la municipalité de Pointe-du-Chêne, Nouveau-Brunswick, Canada.
Cinq cartes présentées en animation qui montrent les inondations en fonction de la force des tempêtes.

Source : Université de Moncton, à partir de cartes d’Environnement Canada, 2006.

Figure 37. Diaporama de cartes d’inondation pour différentes élévations du niveau de la mer à Port-au-Prince, Haïti
Une animation de 5 photos satellites montrant l'impact de l’élévation du niveau de la mer sur l’étendue des inondations à Port-au-Prince en Haïti.

Source : Université de Moncton, d’après des cartes du MIT.

Au Canada, un inventaire des risques d’inondation est compilé depuis 1975 qui vise à cartographier les zones inondables avec un temps de retour de 100 ans (Arlington Group et al., 2013). Plus de 700 communautés dans six provinces ont été cartographiées à date. Plusieurs provinces construisent leurs propres cartes de zones inondables (voir encadré 3). Le Nouveau-Brunswick a publié la nouvelle cartographie en 2022. La cartographie du Québec est en cours de révision depuis les inondations de 2017 et 2019, qui ont démontré l’inadéquation des cartes historiques.

Encadré 3 : sites de cartes d’inondation

Nouveau-Brunswick

Québec

L’information géospatiale est également un prérequis à une évaluation précise des risques et des coûts liés aux inondations ou à l’érosion. Nous verrons des exemples à cet effet dans les études de cas (Bloc 3). Le COastal Adaptation to Sea level rise Tool (COAST) développé en Nouvelle-Angleterre par le New England Environmental Finance Center (NEEFC) est un modèle tridimensionnel qui peut modéliser les dommages physiques causés par les ondes de tempêtes et l’augmentation du niveau de la mer ainsi que les coûts associés (Eastern Research Group, 2013) (Figure 38).

Figure 38. Le modèle COAST; les codes couleur représentent l’ampleur des dégâts pour les bâtiments respectifs.
Exemple d'utilisation du modèle COAST dans lequel on observe les infrastructures les plus sujettes à être impactés par les ondes de tempêtes et les inondations.

Source : (Eastern Research Group, 2013)

2.9 Outils de gestion

La législation touchant les zones côtières est souvent complexe puisqu’elle dépend de plusieurs instances décisionnelles, de plusieurs ministères et de plusieurs paliers de gouvernements dans un grand nombre de pays. De nombreuses législations se sont dotées de lois sur la côte qui imposent un certain recul pour les constructions, mais ces lois sont appliquées de manière inégale. L’augmentation du niveau de la mer n’est que rarement incorporée dans ces lois. De plus, un recul de la côte n’est pas synonyme d’une élévation suffisante pour réduire les risques d’inondation à un niveau acceptable.

L’utilisation des connaissances scientifiques et des outils de modélisation géospatiale permettent en principe de mieux planifier l’utilisation du territoire et d’établir des zonages en fonction des risques établis sur des bases scientifiques solides. Cependant, les outils de gestion – lois, politiques, règlements municipaux – restent souvent un facteur limitant. Un exemple de règlement municipal adapté aux connaissances scientifiques est celui de la communauté rurale de Beaubassin-Ouest, qui est en passe d’être répliqué dans des communautés voisines. Cependant, dans d’autres cas, des conflits d’intérêts ou différences d’opinions bloquent de telles initiatives.

Ainsi, la Caroline du Nord a passé une loi (House Bill 819) qui interdit à l’État de prendre en compte l’augmentation du niveau de la mer dans la planification du territoire. En effet, la prise en compte de la hausse anticipée de 99 cm du niveau de la mer (donnée du US Geological Survey) aurait mis en péril plusieurs projets de développement. Or, le représentant d’État à l’origine de la House Bill 819 était agent immobilier avant de se lancer en politique et les principaux bailleurs de fonds de sa campagne étaient les associations de développeur et promoteurs immobiliers (Hasrish, 2012). L’utilisation de projets pilotes, d’initiatives à petite échelle et leur réplication peut être une stratégie efficace dans ce contexte.

Sur ce sujet, voir aussi l’entrevue de Clifford Lincoln ancien ministre de l’Environnement du Québec, qui explique les enjeux qui existaient en 1986 lors de l’élaboration de la loi sur la mer.

 

Entrevue avec Clifford Lincoln (1 heure, 5 minutes)
 

Voici quelques exemples de législation au Canada et à travers le monde :

Colombie-Britannique

La Loi sur le gouvernement local (Local Government Act, Section 877) stipule que les plans communautaires officiels doivent inclure des cartes spécifiant les restrictions d’utilisation de territoire dues aux risques naturels, comme les inondations ou l’érosion. Les plans doivent également préciser l’emplacement de toutes les infrastructures majeures : routes, égouts, canalisations. Cette cartographie permet par la suite de mieux planifier les risques et implanter les mesures d’adaptation. Sous la même loi (sections 849 et 850), des districts régionaux peuvent établir des plans de croissance, qui doivent couvrir une période de 20 ans et prévoir entre autres des patrons de développement de l’occupation du territoire qui minimisent les risques naturels (Arlington Group et al., 2013).

Québec

La législation sur l’aménagement du littoral est du ressort des municipalités. La province a émis une « Politique de protection des rives, du littoral et des plaines inondables » qui inclut la prévention de l’érosion et la protection des biens et personnes dans les zones inondables. Sous la section 3.3, toutes les constructions, tous les ouvrages et tous les travaux sont en principe interdits sur le littoral, défini comme la zone s’étendant jusqu’à la ligne des hautes eaux. Les constructions dans les plaines inondables ne sont pas strictement interdites, mais soumises à des exigences, notamment qu’aucune ouverture (porte, fenêtre, etc.) ni plancher de rez-de-chaussée ne peut être placé sous le niveau d’une crue de 100 an (Québec, 2013). À l’échelle locale, les municipalités régionales de comté (MRC) ont en grande majorité adopté des mesures de protection côtière dans leurs schémas d’aménagement. À terme, la politique pourrait déboucher en une loi provinciale et être agrémentée d’exigences de recul établies en accord avec les données scientifiques récentes (N. Martel, dans Arlington Group, 2013).

Nouveau-Brunswick

Fut publiée en 2002 une politique de protection des zones côtières, qui devait être traduite en loi, mais cela ne s’est pas encore fait. Cette politique délimite la zone côtière en trois zones avec des interdictions spécifiques de développement pour chacune d’entre elles (NB, 2002). Dans la zone entre la basse et la haute marée (zone A), seuls des ouvrages anti-érosion et des voies d’accès sont permises. Dans la zone tampon de 30 m de recul (zone B), la construction de maisons unifamiliales seulement, ou l’agrandissement d’au plus 40 % de bâtiments existants est permis. Dans la zone de transition (zone C), en arrière de la zone B, toutes les activités sont permises, pour autant qu’elles ne soient pas vulnérables aux ondes de tempêtes ou susceptibles de dégrader l’environnement côtier.

Île du Prince Édouard

Un règlement sur le recul de la côte basé sur des données historiques et actuelles de taux d’érosion a été adopté dans le cadre de sa loi d’aménagement du territoire. Ainsi, les photos aériennes de 1968, 2000 et 2010 ainsi que les observations sur le terrain sont utilisées et actualisées. Les terres humides ou cours d’eau situées près d’une falaise doivent être protégées par une zone tampon de 15 mètres ou 60 fois le taux d’érosion de la zone, lequel des deux chiffres est plus important (Arlington Group et al., 2013).

France

La Loi Littoral de 1986 interdit toute construction à moins de 100 m de la côte sauf dans les zones urbanisées. De plus, les communes ont la responsabilité d’inscrire la protection des espaces remarquables dans leur plan local d’urbanisme. De plus, 1500 km de côte ont été rachetés par le Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres ou Conservatoire du littoral, un établissement public avec la mission de protéger le littoral de la construction ou artificialisation. Dans le cadre du Grenelle de la mer, une meilleure définition de l’aménagement côtier devrait être élaboré sur la période 2015-2020.

Inde

Des limites restrictives existent, du moins en théorie. En vertu du règlement sur les zones côtières de 1986 amendé en 2011 (Coastal Regulation Zone Regulation under the EPAct 1986), le recul est de 200 m sur le front de mer et de 100 m dans les zones influencées par les marées. Dans cette zone, aucune construction n’est permise, à certaines exceptions près comme les zones portuaires, les bâtiments existants, les habitations traditionnelles de pêcheurs dans la zone comprise entre 100 et 200 mètres (MoE, 2011).

Sénégal

Une zone de 100 m est prescrite par la Loi, qui constitue un domaine public supposément inaliénable au sein de laquelle nul n’a le droit de s’établir. Cependant, une prise en compte insuffisante du littoral dans les stratégies de planification de l’occupation du territoire et des faiblesses dans le cadre législatif ainsi que dans la détermination des autorités compétentes font que ce domaine public est trop souvent déclassé, à titre gratuit ou onéreux (Diallo, 2016). Il en résulte que dans la région de Dakar ou la Petite Côte, le littoral comme espace naturel disparait rapidement (Diallo, 2016).

2.10 Assurances

Les assurances ont le potentiel d’agir comme catalyseurs de l’adaptation si elles reflètent de manière réaliste le risque côtier. On observe dans certaines zones côtières et inondables une augmentation des primes d’assurances. C’est le cas dans la zone inondable de la Tamise (voir section 3.3) ou aux États-Unis, où les primes d’assurance ont augmenté de 40 % à la suite de l’ouragan Katrina (Stiles et Hulst, 2013). Les grandes compagnies d’assurance observent d’ores et déjà l’empreinte des changements climatiques dans l’augmentation des remboursements effectués suite à des catastrophes naturelles, qui ont augmenté considérablement au cours des dernières années et plus rapidement que pour des évènements non reliés au climat (Munich Re, 2012a, 2012b; Swiss Re, 2013) (Figure 39 ).

Figure 39. Évolution du nombre de catastrophes naturelles dans le monde entre 1980 et 2015.
Le diagramme montre que les dommages liés aux évènements hydrométéorologiques et climatiques augmentent plus vite que ceux reliés aux évènements géophysiques.

Note : Rouge pour les évènements géophysiques (tremblements de terre, éruptions volcaniques), vert pour les évènements météorologiques (tempêtes, tornades, grêle), bleu pour les évènements hydrologiques (inondations) et orange pour les évènements climatiques (vague de chaleur, sècheresse, vague de froid, feux de forêts).

Source : Munich Re, 2017.

Dans de nombreux pays (Royaume-Uni, Japon, Espagne, Portugal, Suisse, Israël, etc.) une assurance contre les inondations et l’érosion est nécessaire, puisqu’elle est incluse dans les assurances d’habitation et requise pour l’obtention d’une hypothèque. Dans d’autres pays, une telle assurance reste optionnelle. Les États-Unis ont instauré un programme national (National Flood Insurance Program) administré par la Federal Emergency Management Agency (FEMA) visant à augmenter la proportion de propriétés assurées en offrant des subventions pour permettre aux propriétaires de s’assurer contre les inondations et en obligeant les prêteurs régulés par l’État d’exiger une telle assurance. En effet, à défaut d’assurance privée, les risques sont assumés par des programmes d’assurance publics dont le risque est réparti sur l’ensemble de la population. Aux États-Unis, les États assument 900 milliards de $ de valeur exposée (Stiles et Hulst, 2013). En 2006, environ la moitié des propriétés côtières aux États-Unis étaient assurées contre les inondations. Les prix des polices reflètent le niveau de risque : 6410 $/an en zone de risque élevé, 1717 $/an en zone de risque modéré et 364 $/an en zone de risque faible (Eastern Research Group, 2013).

Le principe de l’assurance privée peut bien sûr être critiqué du point de vue de l’équité sociale puisqu’il restreint l’accès à la côte au segment de la population aux revenus plus élevés. Une assurance universelle est plus équitable, mais fait porter le risque que certains acteurs prennent en s’installant dans des zones à risque à l’ensemble de la population, incluant ceux qui s’installent plus loin de la côte ou plus en hauteur. Le principe d’un dédommagement automatique de l’État mène donc à une déresponsabilisation des acteurs et doit être accompagnée par un zonage plus restrictif (Cazaux et al., 2019).

La solution du « buy-out » est un outil financier à la disposition des législations pour encourager le retrait, lorsque le risque récurrent devient important. Par exemple, dans les municipalités de Sainte-Flavie et Sainte-Luce au Québec, à la suite des inondations de 2010, l’État a lancé un programme proposant d’offrir sous certaines conditions 150 000 $ de compensation à des propriétaires acceptant de déménager, de démolir entièrement leur habitation et de céder leur terrain pour un dollar symbolique à la municipalité. Une conséquence involontaire de ce programme est qu’un certain nombre de résidents ont préféré déménager à Rimouski, la grande ville la plus proche, plutôt que de rester en milieu rural, mais sans vue ou accès direct à la mer.

2.11 Éducation et sensibilisation et implication des populations

Toutes les mesures techniques traitées plus haut ne peuvent pas être implémentées d’une manière optimale sans le soutien et la participation de la population. Dans de nombreux cas, ce sont les propriétaires qui doivent entreprendre les mesures. Il est donc important d’informer et de sensibiliser la population vis-à-vis des risques côtiers et des risques liés aux changements climatiques ainsi que les options d’adaptation. Dans de nombreux cas, l’information fait changer l’opinion des résidents côtiers sur les mesures d’adaptation les plus appropriées. Inversement, les connaissances locales peuvent guider les experts et décideurs dans l’évaluation du risque et des techniques appropriées. Dans l’évaluation des changements environnementaux, les observations locales s’avèrent qualitativement aussi fiables que les mesures scientifiques.

L’éducation et la sensibilisation peuvent prendre plusieurs formes. Des réunions publiques peuvent être tenues. Du matériel imprimé, publié sur le web ou des vidéos peuvent être produites. Dans le cas de projets d’Environnement Canada et de l’Université de Moncton au Nouveau-Brunswick ou de la B.C. Regional Adaptation Collaborative (RAC), un partenariat entre l’Université de Colombie-Britannique et la Corporation Delta, les cartes d’inondations, animations 2D ou 3D ont été partagés avec la population.

L’éducation et la sensibilisation peuvent s’effectuer de manière plus structurée et réciproque, à travers des focus groups, des comités de consultation, des projets de recherche participative ou la co-construction de stratégies d’adaptation. Certains projets de ce type seront présentés dans les études de cas. Il faut également ajouter que dans plusieurs cas, l’initiative d’entreprendre des actions d’adaptation émane de la population qui vient ensuite chercher le soutien qu’elle désire auprès des autorités et des universités ou d’autres experts.

Références

Aquatech, 2021. Does Size Matter? Meet Ten of the World's Largest Desalination Plants. Aquatech, 19 April.

Arlington Group Planning + Architecture Inc., EBA Engineering Consultants Ltd., DE Jardine Consulting, Sustainability Solutions Group, 2013. Sea Level Rise Adaptation Primer: A Toolkit to Build Adaptive Capacity on Canada’s South Coasts. Prepared for the British Columbia Ministry of Environment.

Associated Press (AP), 2022. Joy for environmentalists as California blocks bid for $1.4bn desalination plant. The Guardian, 13 May.

Biron, P., T. Buffin-Bélanger, M. Larocque, S. Demers, T. Olsen, M.-A. Ouellet, G. Choné, C.-A. Cloutier, M. Needleman, 2013. Espace de liberté : un cadre de gestion intégrée pour la conservation des cours d'eau dans un contexte de changements climatiques. Rapport préparé pour le Consortium Ouranos, 125 p.

Bjarke Ingels Group (BIG), 2015. The BIG U. Architect, January 8.

Brotherton, P., 2013. Room for the River as antidote to Europe’s flood woes. European Centre for River Restoration. https://www.ecrr.org/News-Events/News/ArtMID/15721/ArticleID/145

Carron erosion study team, 2009. Carron Point, life in a coastal ecosystem. « Towards a sustainable community plan ». Université de Moncton, rapport préparé pour le Fonds de fiducie en environnement du Nouveau-Brunswick.

Cazaux, E., C. Meur-Férec, C. Peinturier, 2019. Le régime d’assurance des catastrophes naturelles à l’épreuve des risques côtiers. Aléas versus aménités, le cas particulier des territoires littoraux. Cybergeo, document 898, DOI : https://doi.org/10.4000/cybergeo.32249

Chan, F. K. S., J. A. Griffiths, D. Higgitt, S. Xu, F. Zhu, Y.-T. Tang, Y. Xu, C. R. Thorne, 2018. “Sponge City” in China—A breakthrough of planning and flood risk management in the urban context. Land Use Policy 76, 772-778.

Costanza, R., O. Pérez-Maqueo, M. L. Martinez, P. Sutton, S. J. Anderson, K. Mulder, 2008. The Value of Coastal Wetlands for Hurricane Protection. Ambio 37, 241-248.

Dami-Houle, L., 2022. Une recharge de plage pour protéger la falaise de Cap-aux-Meules. CFIM, 26 janvier.

De Vries, D. H., 2011. Time and Population Vulnerability to Natural Hazards: The Pre-Katrina Primacy of Experience. Routledge, 21 p.

Diallo, M. A., 2016. « L’aménagement comme mode de protection du littoral ». Dans Bonnin, M., Ly, I., Queffelec, B., Ngaido, M., (eds). Droit de l’environnement marin et côtier au Sénégal. IRD, PRCM, Dakar, Sénégal, pp. 135-164.

Diouf, S., D. Bérubé, A. Robichaud, 2021. Impacts des structures rigides de protection sur la côte néo-brunswickoise de la baie des Chaleurs au Canada. VertigO 21, DOI : https://doi.org/10.4000/vertigo.32393

Doiron, S., 2012, hiver. From climate change plans to by-laws, it’s time to act. Plan Canada, 30-34.

Drejza, S., G. Marie, C. Pelletier-Boily, C. Fraser, P. Bernatchez, 2021. Indice de vulnérabilité de la zone côtière à l'érosion - Rapport méthodologique. Chaire de recherche en géoscience côtière, Laboratoire de dynamique et de gestion intégrée des zones côtières, Université du Québec à Rimouski. Rapport remis au ministère de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques, 209 p.

Eastern Research Group, Inc., 2013. What Will Adaptation Cost? An Economic Framework for Coastal Community Infrastructure. National Oceanic and Atmospheric Administration (NOAA) Coastal Services Center. http://www.csc.noaa.gov/digitalcoast/sites/default/files/files/publications/12072013/What_Will_Adaptation_Cost_Report.pdf

Ebi, K. L., N. D. Lewis, C. Corvalan, 2006. Climate Variability and Change and Their Potential Health Effects in Small Island States: Information for Adaptation Planning in the Health Sector. Environ Health Perspect. 114, 1957–1963.

Feagin, R. A, N. Mukherjee, K. Shanker, A. H. Baird, J. Cinner, A. M. Kerr, N. Koedam, A. Sridhar, R. Arthur, L. P. Jayatissa, D. Lo Seen, M. Menon, S. Rodriguez, M. Shamsuddoha, F. Dahdouh-Guebas. 2009. Shelter from the storm? Use and misuse of coastal vegetation bioshields for managing natural disasters. Conservation Letters 3, 1–11.

Federal Emergency Management Agency (FEMA), 2015. Reducing Flood Risk to Residential Buildings That Cannot Be Elevated. FEMA P-1037.

Fernando, H. J. S., J. L. McCulley, S. G. Mendis, K. Perera, 2005. Coral Poaching Worsens Tsunami Destruction in Sri Lanka. Eos Trans. 86, 301-304.

Global Commission on Adaptation, 2019. Adapt Now: A Global Call for Leadership on Climate Resilience. Global Center on Adaptation, World Resources Institute, 81 p.

Groupe du bassin versant de la région de Cap-Pelé. Le projet de conservation des dunes du parc de l’Aboiteau. 9 p.

Harish, A., 2012. New Law in North Carolina Bans Latest Scientific Predictions of Sea-Level Rise. ABC News, August 2.

Heffernan, O., 2012. Adapting to a warmer world: No going back. Nature 491, 659–661.

Isdell, R. E., D. M. Bilkovic, A. G. Guthrie, M. M. Mitchell, R.M. Chambers, M. Leu, C. Hershner, 2021. Living shorelines achieve functional equivalence to natural fringe marshes across multiple ecological metrics. PeerJ 9:e11815 https://doi.org/10.7717/peerj.11815

Jing, L., 2019. Inside China's leading 'sponge city': Wuhan's war with water. The Guardian, 23 January.

Kroeger, T., 2012. Dollars and Sense : Economic Benefits and Impacts from two Oyster Reef Restauration Projects in the Northern Gulf of Mexico. The Nature Conservancy.

Langlois, R., 2022. Une recharge de plage pour protéger la falaise de Cap-aux-Meules. Radio-Canada, 25 janvier.

Linham, M. M., R. J. Nicholls, 2010. Technologies for Climate Change Adaptation – Coastal Erosion and Flooding. UNEP Risø Centre on Energy, Climate and Sustainable Development, Roskilde, Denmark. http://www.unep.org/pdf/TNAhandbook_CoastalErosionFlooding.pdf

McIvor, A. L., T. Spencer, I. Möller, M. Spalding, 2012. Storm surge reduction by mangroves. Natural Coastal Protection Series: Report 2. Cambridge Coastal Research Unit Working Paper 41. Published by The Nature Conservancy and Wetlands International. 35 pages. http://www.naturalcoastalprotection.org/documents/storm-surge-reduction-by-mangroves

Meur-Ferec.C., 2021. Risques côtiers : des littoraux toujours sous pression. Dans Rebotier (coord.) Les Risques et l’Anthropocène. Regards alternatifs sur l’urgence environnementale. Editions ISTE, ffhal-03434477f.

Meur-Ferec, C., I. Le Berre, L. Cocquempot, É. Guillou, A. Henaff, T. Lami, N. Le Dantec, P. Letortu, M. Philippe, C. Noûs, 2020. Une méthode de suivi de la vulnérabilité systémique à l’érosion et la submersion marines. Développement durable et territoires 11, DOI : https://doi.org/10.4000/developpementdurable.16731

Ministry of Environment and Forest (MoE), 2011. Coastal regulation zone notification. Gazette of India, Extraordinary, Part-II, Section 3, Sub-section (ii) of the 6th January, 2011.

Munich Re, 2012a. Natural and man-made catastrophes in 2012. Knowledge Series, Natural Hazards.

Munich Re, 2012b. Natural catastrophes 2011 Analyses, assessments, positions. TOPICS GEO 2012 issue.

Nouveau-Brunswick (NB), 2002. Politique de protection des zones côtières pour le Nouveau-Brunswick. Direction de la planification durable. Ministère de l’environnement et des Gouvernements locaux du Nouveau-Brunswick. Fredericton, NB.

O’Connell, J., 2008. Coastal dune protection and restauration. Marine Extension Bulletin, Woods Hole Sea Grant & Cape Cod Cooperative Extension.

Québec, 2013. Politique de protection des rives, du littoral et des plaines inondables. Loi sur la qualité de l'environnement (chapitre Q-2, a. 2.1). http://www2.publicationsduquebec.gouv.qc.ca/dynamicSearch/telecharge.php?type=3&file=/Q_2/Q2R35.htm         

Quirk, V., 2014. The BIG U: BIG's New York City Vision for "Rebuild by Design". Arch Daily, April 4.

Radio-Canada, 2021. Site historique de La Grave : les travaux de recharge sont lancés. 16 septembre.

Richardson, G. R. A., 2010. S’adapter aux changements climatiques : Une introduction à l’intention des municipalités canadiennes. Ressources naturelles Canada, Ottawa, Ontario.

Royle, Z., n.d. Living Shorelines. American Littoral Society.

Schleifstein, M., 2012. Louisiana coastal restoration 50-year blueprint released. The Times-Picayune, January 12.

Stiles, S., S. Hulst, 2013. Homeowners Insurance Changes in Coastal Virginia - Causes and consequences for shoreline communities. Wetlands Watch.

Süddeutsche Zeitung, 2013. Nah am Wasser gebaut. 3 août, https://www.sueddeutsche.de/wissen/die-niederlande-und-der-klimawandel-nah-am-wasser-gebaut-1.1737270

Swiss Re, 2013. Natural and man-made catastrophes in 2012. Sigma Study.

Wang, H., C. Mei, J. Liu, W. Shao, 2018. A new strategy for integrated urban water management in China: Sponge city. Science China Technological Sciences 61, 317–329.

WRP, 2000. Restoration of mangrove habitat. ERDC TN-WRP-VN-RS-3.2. http://el.erdc.usace.army.mil/elpubs/pdf/vnrs3-2.pdf

Yin, D., Y. Chen, H. Jia, Q. Wang, Z. Chen, C. Xu, Q. Li, W. Wang, Y. Yang, G. Fue, A. S. Chen, 2021. Sponge city practice in China: A review of construction, assessment, operational and maintenance. Journal of Cleaner Production 280, art. 124963.

Retour au sommet de la page.