Bloc 3 | Étude de cas | Haïti Présentation de Haïti
1. Histoire
Haïti a acquis son indépendance en 1804 et est ainsi devenu la première république de population majoritairement noire au monde, ainsi que le premier pays à définitivement abolir l’esclavage (Figure 1). Aujourd’hui, Haïti est le seul pays indépendant francophone des Amériques. L’histoire d’Haïti depuis son indépendance a été mouvementée et ponctuée d’une partition de 1806 à 1820, de l'occupation américaine entre 1915 et 1934 et de la dictature des Duvalier père et fils de 1957 à 1986, pour ne citer que ceux-ci. L’indépendance a amené Haïti à payer un tribut de 150 millions francs-or, une somme qui vaudrait aujourd’hui entre 21 et 115 milliards de dollars, ce qui a plombé les finances d’Haïti pendant un siècle et est, avec le pillage du trésor lors de l’occupation américaine, une des causes historiques de la situation économique difficile actuelle (Métheut, 2022; Métheut et al., 2022; Porter et al., 2022).
Les décennies récentes ont été caractérisées par de longues périodes d’instabilité politique, culminant dans le coup d’État de 1991, la démission d’Aristide en 2004 et l’intervention de la force des Nations unies (la MINUSTAH) peu après. La période de stabilité relative s’ensuivant est bouleversée par le séisme de 2010. En 2017, la mission de la MINUSTAH prend fin. Après cela, le pays traverse une crise politique culminant dans l’assassinat du président Jouvenel Moïse en 2021. Haïti cherche donc toujours un retour à la normalité politique, rendu difficile par la situation économique et par les catastrophes naturelles.

Note. La spectaculaire Citadelle Laferrière, construite entre 1805 et 1820 par Henri Christophe et gravement endommagée lors du séisme de 1842, est un symbole de l’indépendance.
Source : Flickr (Creative Commons)
2. Structure politique, démographique et socio-économique
Haïti est peuplé de plus de onze millions d’habitants (en 2020), dont la moitié a moins de 18 ans. La population urbaine représente plus de la moitié de la population totale. Les plus grandes agglomérations sont l’aire urbaine de Port-au-Prince – Carrefour (2,3 millions d’habitants) et les communes des Gonaïves (300 000 habitants), du Cap-Haïtien (250 000 habitants) et des Cayes (126 000 habitants), toutes situées sur la côte.
La grande majorité de la population est de descendance africaine, le reste étant constitué principalement de métis et de descendants européens. Les populations autochtones (Taïnos) ont disparu sous l’ère coloniale. La plus grande partie de la population parle le créole et 5-10 % aussi le français, qui est par ailleurs très répandu dans l’administration, l’éducation et la science.
Le PIB d’Haïti n’était que de 1815 $ par personne par an en 2021, et Haïti se place au 170e rang au monde selon l’indice de développement humain des Nations unies (Banque Mondiale, 2022). La population dépend fortement de l’agriculture, qui emploie 38 % de la main-d'œuvre et fait vivre directement ou indirectement les deux tiers de la population. Un taux de chômage de 40 % témoigne de la faiblesse du marché du travail et de l’importance du secteur informel.
Haïti est une république présidentielle organisée en 10 départements, dont un seul (Centre) n’est pas côtier (Figure 2). Ces 10 départements sont séparés en 42 arrondissements, 144 communes et 571 sections communales.

Source : Wikimedia Commons.
3. Géographie
Haïti, située sur l’Île d’Hispaniola dans les Grandes Antilles, est entourée d’eau sur trois côtés (Figure 3). La partie orientale de l’île est occupée par la République Dominicaine. Haïti mesure 27 750 km2 et possède 1771 km de côte, bordée au sud par la Mer des Caraïbes et au nord par l’Océan Atlantique (GEOHaïti, 2010). Le golfe de la Gonave est encastré à l’ouest du pays. Plusieurs îles font partie du territoire national : Île de la Tortue, Île de la Gonave, Îles Cayémites et Île à Vache.

Source : Wikimedia Commons.
Le relief est très montagneux (Figure 4). En Taino, Ayiti signifie d’ailleurs « pays des montagnes ». Les massifs montagneux occupent 75 % du territoire, dont la moitié avec des pentes de plus de 40 % (GEOHaïti, 2010). Les chaînes montagneuses parcourent l’île d’Hispaniola sur des diagonales ouest-est, légèrement inclinées. Les pics du Massif de la Hotte et Chaîne de la Selle au sud dépassent largement les 2000 mètres, ceux de du massif du Nord ainsi que des mornes des Cahos, des Montagnes Noires, de la Chaîne des Matheux, des mornes du Trou d’Eau au centre du pays 1200 à 1500 mètres. Une grande partie du littoral est encastré par des montagnes abruptes, ne laissant que de minces bandes littorales très vulnérables aux inondations soudaines en cas de fortes précipitations. Le talus continental est situé très près de la côte.
La Plaine du Cul-de-Sac était un bras de mer jusqu’au soulèvement tectonique Oligo-miocène il y a 23 millions d’années. Le lac Azuéi, le trou Caïman et le lac Enriquillo étaient donc à l’origine remplis d’eau de mer qui devient progressivement saumâtres.
Les ressources en eau douce sont relativement peu abondantes. La disponibilité d’eau renouvelable est d’environ 14 km3/an, soit 1354 m3/an par personne, ce qui constitue un stress hydrique selon l’indice de Falkenmark (< 1700 m3/an par personne), mais non une pénurie (< 1000 m3/an par personne). Le principal cours d’eau est l’Artibonite, qui prend naissance sur le plateau central et rejoint le Golfe de Gonâve à Grande-Saline, et fournit aussi l’eau de la centrale hydroélectrique du barrage Péligre. Le sous-sol de la plaine du Cul-de-Sac abrite une grande nappe phréatique qui fournit environ 15 millions de m3 d’eau par an à l ‘agglomération de Port-au-Prince et à l’agriculture. De manière générale, la consommation d’eau est faible en Haïti et seule une petite partie de l’agriculture profite de l’irrigation, rendant ce secteur vulnérable à la variabilité de l’hydrologie.

Source : Modifié à partir de Wikimedia Commons.
4. Diversité biologique
Malgré la forte densité de population, l’occupation étroite des espaces et la dégradation de nombreux territoires naturels, il reste une grande richesse biologique à Haïti. La topologie accidentée est à l’origine d’une grande diversité d’habitats, dont beaucoup, et en particulier les habitats forestiers (forêts sèches, forêts humides, forêts de montagne) sont anthropisés. Les écosystèmes côtiers comprennent des récifs coralliens, des mangroves (143 km2) et d’autres terres humides (793 km2).
La biodiversité de plantes vasculaires, invertébrés, oiseaux, chauves-souris, reptiles, et amphibies est grande (Figure 5). Beaucoup des espèces sont endémiques. Par exemple, le parc national de Macaya recèle 134 espèces d’orchidées sur seulement 10 km2. La plupart des grands mammifères terrestres (rongeurs, de paresseux, de singes et shrews) ont en revanche disparu d’Hispaniola. À Haïti, il ne reste que deux espèces : le plagiodonte de Haïti, aussi appelé Rat Cayes commun (Plagiodontia aedium) et le Nez-long (Solenodon paradoxus).
La diversité marine est encore peu recensée, mais certainement importante. Elle comprend plusieurs mammifères marins, dont le lamantin (dont le nom anglais manatee provient d'ailleurs du Taino).
Il ne faut pas oublier que les espèces agricoles font également partie de la biodiversité. Ainsi, on compte par exemple 200 variétés de manguiers en Haïti.
Un certain nombre de ces espèces (119 en tout) figurent sur la liste des espèces menacées de l’IUCN. Le réseau des aires protégées d’Haïti ne couvre 6 % du territoire, mais le secrétariat de la CDB estime que seulement 0,3 % du territoire est effectivement protégé. Sur les 35 aires protégées du pays, seulement quatre sont véritablement gérées en tant que telles : le Parc National Macaya (Massif de Hotte, Sud), le Parc National La Visite (Massif de la Selle), la Reserve de la Forêt des Pins (Massif de La Selle) et le Parc Historique Sans Souci/Citadelle Nord d’Haïti) (GEOHaïti, 2010). Le réseau des aires protégées et la conservation de la diversité biologique doivent être renforcés selon la volonté exprimée dans le Décret-Cadre pour la gestion de l’environnement de 2006.

Source : photographie de Sebastian Weissenberger (2012)
5. Le risque sismique
Le 12 janvier 2010 marquera à jamais l’histoire d’Haïti. Ce jour-là, un puissant séisme a complètement dévasté la capitale, causant 230 000 décès, 600 000 sans-abris, détruisant de nombreux bâtiments gouvernementaux, hôpitaux, hôtels, université et autres bâtiments publics, provoquant ainsi une crise humanitaire et de gouvernance, qui ne sera que progressivement résorbée (Figure 6, Figure 7) (Haïti, 2010). Une partie des personnes déplacées se sont installées provisoirement dans des communautés en zone côtière, augmentant ainsi leur fardeau financier. Dans une étude dans le Nord-ouest et le nord de l’Artibonite, 71 % des ménages avaient accueilli au moins une personne et la moyenne, 4 personnes (ACF, 2011).

Source : photographie de Sebastian Weissenberger (2012)

Source : photographie de Sebastian Weissenberger (2012)
Le séisme du 12 janvier 2010 n’est qu’un des nombreux séismes ayant touché Haïti, dont celui de 1842 qui dévasta le Cap-Haïtien et le palais de Sans-Souci. Cela s’explique par la situation géographique d’Haïti. Les grandes Antilles se trouvent à la convergence des plaques caribéenne et nord-américaine. L’Île d’Hispaniola est parcourue par deux failles majeures : la faille d’Enriquillo au sud et la faille Septentrionale au nord (Figure 8). Le risque sismique est donc présent au nord comme au sud du pays. Un séisme important a touché le sud d’Haïti en août 2021, causant plus de 2200 décès, 13 000 blessés et 137 000 bâtiments endommagés, dont plus de 1000 écoles.

Source : Haïti, 2010.
Références
Action contre la Faim (ACF), 2011. Évaluation de la filière pêche dans les régions du Nord-Artibonite et du bas Nord-Ouest Haïti. Rapport d’évaluation, Version Finale Externe, 61 p.
Banque Mondiale, 2022. Haïti Présentation.
GEOHaïti, 2010. État et Perspectives de l’Environnement. Programme des Nations Unies pour l’Environnement, ministère de l’Environnement d’Haïti, Université Quisqueya.
Haïti, République, 2010. Analysis of multiple natural hazards in Haïti (NATHAT). Report prepared by the Government of Haiti, with support from the World Bank, the Inter-American Development Bank, and the United Nations System, 63 p.
Méheut, C., 2022. Comment (et pourquoi) nous avons calculé les sommes qu’Haïti a versées à la France. New York Times, May 25.
Méheut, C., C. Porter, S. Gebrekidan, M. Apuzzo, 2022. Comment la France a riposté aux demandes de réparations d’Haïti. New York Times, May 20.
Porter, C., C. Méheut, M. Apuzzo, S. Gebrekidan, 2022. La Rançon : À la racine des malheurs d’Haïti: des réparations aux esclavagistes. New York Times, May 20.